Johann Chapoutot, Libres d’obéir. Le management du nazisme à aujourd’hui

 


Johann Chapoutot, spécialiste reconnu de l’histoire du nazisme, nous livre ici un petit essai pugnace et provoquant. L’annonce faite par le titre et le sous-titre place la barre très haut. Elle déclare qu’il y quelque chose d’important à dire si l’on traite de l’histoire du management en commençant au nazisme. Nous ne savons pas s’il s’agit seulement de l’Allemagne ou du management dans le monde. Ce que le nazisme ferait au management est de proposer d’être « libres d’obéir ». Nous ne savons pas cette fois s’il s’agit d’être libres – ou non – d’obéir ou, s’autorise-t-on à penser, libres dans une obéissance choisie, ce qui se révèle le cas.

2Extrêmement bien écrit, fluide, l’ouvrage présente l’objectif qu’il se propose en disant que la longue histoire du management « s’est poursuivie et la réflexion s’est enrichie durant les douze ans du IIIe Reich, moment managérial, mais aussi matrice de la théorie et de la pratique du management pour l’après-guerre ». Matrice du management d’après-guerre, donc. Ce sont bien les caractéristiques proprement nazies participant à la composition du management dans l’Allemagne d’après-guerre, sinon dans le monde, que nous sommes invités à attendre. Notre attention est vivement éveillée puisqu’il existe une « conception nazie du management » : celle-ci, précise l’auteur, « a eu des prolongements et une postérité après 1945 », et « d’anciens hauts responsables de la SS en ont été les théoriciens, mais aussi les praticiens heureux, réussissant une reconversion aussi spectaculaire que rémunératrice ».

3Avant de rentrer dans le sujet seulement dans la deuxième moitié, le livre consacre la première à une remarquable mise au point de la posture antiétatique du nazisme et de quelques-unes de ses conséquences ainsi qu’à l’exploration du recyclage de cadres de la SS au plus haut de l’enseignement de la gestion en RFA.

  • 1 Ian Kershaw, Hitler. Essai sur le charisme en politique, Paris, Gallimard, 1995.

4Le régime qui s’installe en janvier 1933 est radicalement contre l’Etat. Celui-ci est le règne de l’individu, ce qui met en danger la communauté. Le nazisme attend des Allemands qu’ils se rangent sous l’autorité du Führer qui n’a que des « compagnons » libres et non pas des subordonnés ou des soumis. Par définition les juifs et autres sous-races sont exclus de la communauté. L’Etat est l’ennemi de la liberté – foncièrement germanique – qu’il s’agit de restaurer quel qu’en soit le coût. L’une des principales manières de contribuer à la destruction de l’Etat est la création d’agences autonomes à objectifs et financements spécifiques, comme c’est le cas, entre bien d’autres, du Plan de 4 ans promu par Göring et de l’Organisation Todt. L’historien britannique Ian Kershaw avait en son temps montré la même chose, soit combien la gestion nazie était hectique sous la bienveillance du Führer qui se gardait le droit de décider à son gré et d’arbitrer toute querelle, imposant son pouvoir personnel et son antisémitisme radical au détriment de quelque logique administrative et étatique que ce soit1.

5C’est dans ce cadre que le personnage principal de l’ouvrage apparaît. Il s’agit de Reinhard Höhn, né en 1904, diplômé d’économie et docteur en droit, qui rejoint le parti national-socialiste en mai 1933. Il intègre rapidement la SS et se retrouve très proche de Himmler et de Heydrich. Il devient professeur à l’université de Berlin et directeur d’un institut de recherche sur l’Etat qui fournit le NSDAP d’arguments contre l’Etat et pour la communauté et les agences. Cet « intellectuel technocrate » est naturopathe et pratique l’acupuncture et l’homéopathie. La guerre le voit grader rapidement et Höhn devient général de la SS en 1944. Il fait partie dans l’après-guerre de ces cohortes de nazis, SS ou non, qui trouvent à s’employer, y compris à de très hauts postes, dans la nouvelle Allemagne fédérale, ce dont l’ouvrage donne un aperçu. Höhn devient d’abord expert en affaires militaires puis en méthodes de management, en particulier dans le domaine des ressources humaines, et il entreprend de former managers et leaders, tandis qu’il est réhabilité par la loi du 31 décembre 1949.

6En 1956, la Société allemande d’économie politique, dont il est directeur, crée une école de gestion à Bad Harzburg, dont il prend la direction. Elle formera des centaines de milliers de gestionnaires d’entreprise. D’anciens collègues, en particulier du Sicherheitsdienst de la SS dont il venait lui-même, intègrent le corps enseignant.

7Voici le penseur nazi à pied d’œuvre. Quelle « conception nazie du management » va-t-il enseigner et promouvoir suffisamment pour en marquer la doctrine allemande dans les quelques quarante ouvrages qu’il va publier ? Il a mis de côté « l’obsession de la race, du péril juif et de la conquête du Grand Espace vital », il a renoncé à ses propos de naguère « sur les "sous-hommes", les allogènes et les Juifs ». Plus d’antisémitisme ni de racisme, nous indique l’auteur. Ce n’est pas Höhn qui « propose des modules de diététique, de délassement, de maintien et de sport », mais son collègue ex-SS Karl Kötschau. Dans le cas d’un certain nombre de « principes » comme « l’attention portée à la pratique », les règles qui ne soient pas universellement applicables, le goût de l’innovation, la flexibilité, l’adaptabilité, on distingue difficilement la spécificité nazie attendue quoiqu’ils illustrent, selon J. Chapoutot, la « continuité » des idées de son protagoniste principal entre les années 1930 et 1940 et la période des années 1950 aux années 1990. Sans doute la permanence des convictions de Höhn transparaît-elle dans des « syntagmes nazis » comme, parmi d’autres, « volonté fanatique », ainsi que le relève l’auteur.

  • 2 Martin van Creveld, Command in War, Cambridge, Harvard University Press, 1985, p. 144 (voir p. 144- (...)
  • 3 Ibid., p. 169-170.

8Mais quelle est la doctrine enseignée ? En son cœur, on trouve la décentralisation du commandement, autrement dit la délégation d’une responsabilité confiée aux cadres intermédiaires. L’auteur relate bien qu’il s’agit là d’une réforme du commandement introduite dans l’armée prussienne après les défaites devant les armées de Napoléon. Celles-ci avaient été les premières à pratiquer ces méthodes qui n’allaient pas trouver de postérité dans l’armée française. À l’opposé, la réforme a été systématisée tout au long du xixe siècle dans l’armée prussienne puis allemande, se retrouvant à la source de maintes victoires durant la Première Guerre mondiale et jusqu’au Blitzkrieg de 1940, tandis qu’« elle continue d’opérer dans l’actuelle Bundeswehr », comme l’écrit de son côté l’historien militaire Martin van Creveld, un de ces historiens dont elle est bien connue2. Celui-ci note que le commandant de compagnie devient « le maillon le plus important de toute la chaîne de commandement ». À l’inverse du modèle britannique, l’idée consiste à baisser le seuil de la décision opérationnelle. Le règlement allemand de 1906 précise que « le combat exige des troupes et des chefs indépendants et qui pensent, capables d’une action indépendante »3.

9C’est là que ces officiers tactiques et sous-officiers se trouveraient « libres d’obéir », c’est-à-dire de prendre des décisions en situation sans avoir à en référer en temps réel au commandement supérieur, au risque d’une rupture de contact entre le centre et la ligne de feu, tandis que d’autres armées cherchaient à tout prix à maintenir les communications malgré le désordre des opérations. Selon J. Chapoutot, le nazi Höhn voit en ce point l’exercice de la liberté germanique. Les compagnons du Führer seraient « libres par nature du fait même de leur obéissance ».

10Toutefois, l’auteur ne signale pas de réflexion sur cette question pendant la guerre, mais seulement dans les travaux de Höhn à partir du début des années 1950. Tandis qu’elle a servi à la Wehrmacht au moins au début, a-t-elle été pratiquée dans d’autres organisations, même armées, pendant la guerre sous l’autorité nazie ? Cela n’est pas dit, mais l’opération qui consiste à transférer à la gestion des entreprises la règle de délégation de responsabilité jusque-là cantonnée à l’armée serait l’apport de Höhn, en particulier dans ses publications et son enseignement à Bad Harzburg dont il constitue la « méthode ».

11Y a-t-il là un trait nazi ? Tout d’abord, faire passer dans le civil un dispositif militaire de gestion n’est pas une nouveauté dans l’histoire du management. Celui-ci emprunte au militaire tout autant qu’à l’administration civile. Parmi cent occurrences, Henri Fayol, le fondateur de l’administration scientifique, introduit l’état-major dans les entreprises en 1916. On voit dans les années 1920 apparaître dans celles-ci une adaptation de la « salle des cartes » qui accompagne les généraux de bataille en bataille sous forme d’une « salle des graphiques » auprès des directions, par exemple chez Du Pont de Nemours et Peugeot. Un des best-sellers de la première moitié du xxe siècle, Le Rôle social de l’officier, du futur maréchal Lyautey, publié en 1891, est immédiatement acclimaté à l’entreprise par la publication d’un [Le] Rôle social de l’ingénieur, titre repris à la suite par plusieurs autres publications.

  • 4 Ernest Mattern, « Exemple vécu de la formation d'un ingénieur d'usine » (1941), dans Documents pour (...)

12Sur la décentralisation du commandement, nul scrupule de la part du directeur général des usines Peugeot Ernest Mattern qui écrit dans ses mémoires de décembre 1941 « que la méthode allemande des chefs responsables de tout ce qui se passe dans la périphérie de leur activité est préférable à la méthode française dans laquelle la responsabilité d’une affaire est partagée entre une quantité de spécialistes », et il n’y a là aucune flatterie aux occupants de la part de ce cadre supérieur qui allait être arrêté pour faits de résistance4. Il est loin de faire l’éloge d’un dogme nazi qu’il n’est pas.

13Ensuite, partant de là, plusieurs questions se posent.

14Il n’est jamais précisé si la « liberté » d’action dont il est question va jusqu’aux ouvriers et employés, soit les subordonnés de dernier rang. Rien dans l’ouvrage d’explicite ne permet de l’affirmer et les bénéficiaires du « libres d’obéir », l’encadrement moyen et inférieur, formeraient alors une couche assez limitée du millefeuille social. Qu’en est-il sur le terrain ? Le livre n’étudie aucun cas de première main. Tout ce qui nous est dit de la mise en œuvre effective de la règle de délégation de responsabilité repose sur une seule occurrence. C’est celui d’Aldi, la chaîne de magasins discount originaire d’Allemagne. Elle se réclame explicitement de la leçon de Bad Harzburg et a fait récemment scandale pour son management par la peur. Ce qui a valu à Aldi d’être la seule illustration choisie, on le suppose, parmi bien d’autres, mais cela ne nous est pas dit. L’ouvrage, en fin de compte, se contente de la doctrine tout en ne faisant appel à aucune source d’archive.

15Or, il n’est pas évoqué que, dans le milieu du management, le principe est parfaitement connu des gestionnaires depuis quelques décennies. C’est en effet dans ces mêmes termes de « délégation de responsabilité » que se pense la célébrissime expérience managériale de General Motors et celles de bien d’autres grandes entreprises aux Etats-Unis depuis les années 1920, offrant un autre modèle que celui de Ford. Il s’y expérimente au civil ce que la pratique prusso-allemande a fait au militaire depuis le xixe siècle, ce que Höhn ne pouvait ignorer même s’il n’en fait pas état. La GM a pignon sur rue en Allemagne. Elle a racheté Opel en 1929 puis travaillé longuement pour le pouvoir nazi.

  • 5 Alfred P. Sloan Jr., Mes années à la Général Motors, Paris, Ed. Hommes et Techniques, 1967 (1e éd. (...)
  • 6 Ibid., p. 59.

16Alfred Sloan, directeur général de la General Motors et qui a le premier proposé la formule, traite lui-même du paradoxe relevé par J. Chapoutot, qui consiste à accorder une liberté d’action aux cadres intermédiaires tout en contrôlant étroitement leur travail. Il en a énoncé les préceptes dans l’étude fondatrice de décembre 1920 sur l’organisation de la GM : « 1. La responsabilité confiée au chef de chaque unité opérationnelle ne sera limitée en aucune façon. Chacune de ces unités, sous la direction de son chef, sera fonctionnellement autonome (…). 2. Certaines fonctions centrales sont absolument indispensables au développement et au contrôle approprié des activités de la compagnie »5. Près de cinquante ans plus tard, en 1964, Sloan souligne qu’il est en mesure de relever « avec amusement une contradiction dans les termes qui est en fait le nœud du problème » : « Je commence par aller à l’extrême de la décentralisation par les mots "ne sera limitée en aucune façon", puis je limite la responsabilité des chefs des unités opérationnelles par le terme "contrôle approprié" »6.

17Ceci permet de soulever un autre point. Tandis que du côté de la réalité des pratiques managériales, nous en restons à un sentiment de confusion, il en est de même quant à l’usage des mots. Ainsi celui d’« autoritaire ». Höhn prétend « (mettre) fin au management autoritaire », comme il l’écrit dans un ouvrage de 1970. De son côté, J. Chapoutot parle à de nombreuses reprises, au sujet du projet de Höhn, de management « non autoritaire ». Cette expression surprenante lui est inspirée par la rupture de commandement direct entre les chefs à distance et les chefs de la ligne de feu qui incite à confier à ces derniers une responsabilité tactique. Il émet tout de même une réserve en écrivant : « Le fonctionnement de l’organisation se veut non autoritaire, mais il reste pleinement hiérarchique, car la relation fondamentale reste celle qui existe entre le chef et l’exécutant. » On aimerait en savoir plus sur ce qu’est une relation hiérarchique non autoritaire. Quel que soit le degré de « liberté » laissé aux chefs subordonnés (car les subordonnés concernés sont eux-mêmes des chefs de tous niveaux), ils ne l’exercent pas sans contrôle. Quoiqu’il soit loisible de juger que l’autorité passe par le contrôle, l’auteur, pensant qu’il y a rupture d’autorité, désigne le point comme un paradoxe. De plus, sous le nazisme mais non plus après, libres, ces cadres obéissent, si ce n’est au chef immédiat, au Führer. Dès lors, qu’est-il là de « non autoritaire » ?

  • 7 Brian M. Carney et Isaac Getz, Liberté & Cie, Paris, Fayard, 2012.

18Höhn, à moins qu’il n’ait utilisé cette formulation auparavant, ce que l’auteur ne nous dit pas, a fort probablement parlé en 1970 de « (mettre) fin au management autoritaire » poussé par la forte ambiance anti-autoritaire des « années 68 » en Allemagne. L’expression n’est pas plus à prendre au pied de la lettre que l’exaltation de la liberté par les auteurs de Liberté & Cie7. On ne voit d’ailleurs pas que Sloan ne puisse jamais considérer cette « décentralisation avec contrôle de coordination » comme une « conception du travail non autoritaire », selon une tournure de J. Chapoutot. L’ouvrage ne propose rien de propre à dissiper le trouble sur l’usage du terme d’« autoritaire ».

19On ne comprend pas comment un historien expérimenté qui se lance dans l’écriture d’un chapitre sensible de l’histoire du management ne paraisse pas le moins du monde s’être familiarisé avec ce que dit cette discipline. Celle-ci est adulte. Elle a appris à ne pas trop craindre les sujets difficiles comme celui des rapports du management avec le nazisme. Elle est toujours basée sur des enquêtes très construites et jusqu’ici n’avait pas identifié une « conception nazie du management » qui se serait poursuivie dans l’après-guerre. Aucune doxa n’en exclut la possibilité cependant, mais le présent ouvrage ne parvient ni à convaincre ni même à inquiéter sur cette thématique.

  • 8 André Gavet, L'art de commander. Principes du commandement à l'usage des officiers de tout grade, P (...)

20La représentation de l’usine comme communauté n’y réussit pas, même si l’ex-SS a renoncé à en exclure les juifs et autres « sous-hommes » et même s’il aurait conservé in petto ses convictions nazies. L’ironie est que le principe prôné par Höhn, et où il verrait l’exercice de la liberté germanique, est né sous forme militaire dans l’armée prussienne inspirée par Napoléon et, civile, dans une des plus grandes entreprises américaines. Les doctrines classiques du management, celle de Taylor la première, cherchent par nature – c’est un de leurs principaux moteurs –, à verrouiller toute possibilité de lutte de classes et à s’assurer de leur collaboration. Au passage, l’usage du terme de « collaborateur » dans l’armée ou les entreprises n’est pas nazi. Faire des cadres moyens des « collaborateurs » était pratiqué avant-guerre ailleurs qu’en Allemagne et par exemple en France, même si les termes de « collaborateur » et de « Mitarbeiter » n’ont pas la même extension. Un officier français spécialiste du commandement écrit en 1907 : « La question est de savoir si vous voulez considérer votre troupe comme un automate plus ou moins compliqué destiné à n’entrer en action que sous votre impulsion personnelle, ou bien comme un ensemble organisé de collaborateurs intelligents »8. De même, on trouve l’expression de « matériel humain » dans les sources managériales de la Première Guerre mondiale en France. Elle n’a pas attendu la plume nazie.

  • 9 Henri Fayol, « Administration industrielle et générale », Bulletin de la Société de l'Industrie min (...)

21Höhn aurait par ailleurs anticipé le New Public Management par sa réflexion sur les agences. Avant-guerre, on comprend la contribution de Höhn comme un encouragement à désengager l’Etat de tâches jugées urgentes et à le transformer en agence parmi les agences aux ordres du Führer. Sans que le livre ne nous communique l’état de la question, il attribue à Höhn la proposition de 1970 d’introduire dans l’Etat des principes de gestion des entreprises, sur fond du même mépris à l’égard de l’Etat que celui qu’il développait à partir de 1934. Ce mépris était une caractéristique du nazisme mais non pas l’idée que l’administration de l’Etat s’inspire de celle des entreprises dont on trouve de premières énonciations dans les travaux de Fayol sur « l’administration industrielle et générale » et dont on peut suivre la postérité9.

  • 10 Susanne Hilger« Reluctant Americanization? The reaction of Henkel to the influences and competiti (...)

22Bref, ça ne fonctionne pas. Ce qui est sûr est qu’un nazi convaincu et de haut rang est parvenu après-guerre à une position dominante dans la formation des managers en Allemagne fédérale avant d’être découvert et rejeté dans les années 1970, mais on ne voit pas qu’il ait continué à propager une supposée conception nazie du management ni que le management allemand d’après-guerre, et moins encore le management tout court, ait été marqué par le nazisme de son fait. L’enquête est très insuffisante et l’ouvrage ne nous dit finalement rien de l’effet du nazisme sur le management d’après 1945. À peine peut-il servir d’alerte sur ce qu’il resterait à savoir, mais on sait déjà, entre autres, que la leçon de Sloan ne commence à être acceptée en Allemagne que tardivement, dans les années 195010.

  • 11 Bill Cooke, "The Denial of Slavery in Management Studies", Journal of Management Studies, vol. 40, (...)

23La question qu’il pose est pourtant légitime. Sous d’autres cieux, par exemple, de récentes recherches explorent sur pièces, depuis peu, comment le travail esclave s’est trouvé l’une des sources de l’organisation scientifique du travail11. Mais ce livre ne tient pas les promesses de son titre ni de ses annonces et nous laisse dans la perplexité. Sa brillante écriture cherche à donner à penser qu’il fait ce qu’il dit mais on n’en sort pas sans un sentiment pour le moins de confusion, d’insuffisance et d’imprécision.

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Notes

1 Ian Kershaw, Hitler. Essai sur le charisme en politique, Paris, Gallimard, 1995.

2 Martin van Creveld, Command in War, Cambridge, Harvard University Press, 1985, p. 144 (voir p. 144-146 et 184-188).

3 Ibid., p. 169-170.

4 Ernest Mattern, « Exemple vécu de la formation d'un ingénieur d'usine » (1941), dans Documents pour l’histoire des techniques, n° 15, 1er semestre 2008, p. 96.

5 Alfred P. Sloan Jr., Mes années à la Général Motors, Paris, Ed. Hommes et Techniques, 1967 (1e éd. américaine, 1964), p. 355.

6 Ibid., p. 59.

7 Brian M. Carney et Isaac Getz, Liberté & Cie, Paris, Fayard, 2012.

8 André Gavet, L'art de commander. Principes du commandement à l'usage des officiers de tout grade, Paris, Berger-Levrault, 1899, p. 62 (Prix de l’Académie française en 1901). Les soulignements sont de l’auteur.

9 Henri Fayol, « Administration industrielle et générale », Bulletin de la Société de l'Industrie minérale, n° 3, 1916 (publié en volume en 1918 par Dunod, traduit en allemand en 1929). Alain Chatriot, « Fayol, les fayoliens et l’impossible réforme de l’administration durant l’entre-deux-guerres », Entreprises et histoire, n° 34, 2003, p. 84-97.

10 Susanne Hilger« Reluctant Americanization? The reaction of Henkel to the influences and competition from the United States », dans Akira Kudo et al. (dir.), German and Japanese business in the boom years. Transforming American management and technology modelsLondres, Routledge, 2004, p. 207.

11 Bill Cooke, "The Denial of Slavery in Management Studies", Journal of Management Studies, vol. 40, n° 8, 2003, pp. 1895-1918 (merci à Ferruccio Ricciardi pour l’indication) ; Caitlin Rosenthal, Accounting for slavery: masters and management, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2018.




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