Guy Fawkes






Tout commence dans la soirée du 4 novembre 1605. Dans une cave, sous le Parlement anglais, les forces de l'ordre de l'époque découvrent un homme près d'un tas de bois dissimulant 36 barils de poudre, des mèches et des allumettes. Il se présente sous le nom de John Johnson, mais les enquêteurs vont vite découvrir sa véritable identité : Guy Fawkes.
Après son arrestation, le 5 novembre au matin, ses co-conspirateurs tentent tous de prendre la fuite. C'est l'échec de ce que les historiens nomment la "conspiration des poudres" ("gunpowder plot" en anglais).

Il tente de faire sauter le Parlement

En Angleterre, Jacques 1er, ou James I pour les anglophones, a succédé à Elisabeth I deux ans plus tôt, réunissant ainsi les couronnes d'Ecosse et d'Angleterre (cette dernière incluant l'Irlande). L'Angleterre, rappelons-le, est protestante depuis la scission avec Rome décidée par Henri VIII, le père d'Elisabeth I, et le roi (ou la reine) est le chef de l'église anglicane.
Sous le règne d'Elisabeth, et plus particulièrement depuis la tentative d'invasion de l'Angleterre par l'Espagne (l'épisode de "l'invincible Armada"), les catholiques faisaient l'objet de persécutions.





Lorsque Jacques prend le trône d'Angleterre en tant que plus proche parent d'Elisabeth I, il suscite quelques espoirs : s'il est protestant, il est également le fils d'une catholique, Marie Stuart (par ailleurs reine de France en tant qu'épouse de François II). Mais Jacques ne se montre pas plus souple avec les catholiques que ses prédécesseurs. En ce 5 novembre 1605, deux complots menés contre lui par des catholiques ont déjà été déjoués.
La "conspiration des poudres" serait donc, selon la thèse la plus commune, une tentative des catholiques de reprendre le pouvoir en Angleterre. En faisant sauter le Parlement lors du discours du roi, ils auraient décapité le royaume et auraient alors fait accéder au trône Elisabeth, fille de Jacques, espérant la marier à un catholique afin que le pays revienne dans le giron de la papauté.
Mais d'autres thèses ont été avancées, comme celle de la manipulation des conspirateurs par des agents du gouvernement afin de justifier la répression contre les catholiques...

Le destin tragique de Guy Fawkes





Né dans la ville d'York, Guy Fawkes est décrit comme "grand, de stature puissante, avec des cheveux brun-roux épais, une moustache flottante et une barbe broussailleuse". Catholique, il n'a pas hésité à s'engager avec l'armée espagnole dans sa guerre aux Pays-Bas (protestants). Il aurait même commandé des troupes lors de la prise de Calais par les Espagnols, en 1596. C'est d'ailleurs cette expérience militaire qui lui vaudra d'être recruté au sein de la "conspiration des poudres", où il n'était qu'un simple exécutant.
Après son arrestation, Fawkes fut conduit à la fameuse Tour de Londres, et torturé. Il résista pendant deux jours avant de livrer les noms de ses complices, ce qui leur laissa le temps de prendre la fuite (même si nombre d'entre eux furent repris plus tard).
Le 31 janvier 1606, avec ses complices survivants, il subit le cruel supplice réservé aux cas de haute trahison : on les traînait au lieu du supplice attachés à un cadre de bois; ensuite, ils étaient pendus, mais pas suffisamment pour en mourir; puis on les émasculait, on les éviscérait, et enfin on leur coupait la tête, mettant fin à leur calvaire. Leur corps était alors démembré, et les restes étaient exposés en divers endroits du pays, "pour l'exemple".
Fawkes, lui, probablement affaibli par les tortures, eut la "chance" de ne pas survivre à la pendaison... Il avait 35 ans.

La tradition des feux de joie

Après l'échec du complot, le roi Jacques décréta une fête d'action de grâces (thanksgiving) : pendant deux siècles, le 5 novembre, des services religieux commémoraient l'événement.
Le peuple, lui, entama une tradition de nuit festive, avec des feux de joie où l'on brûlait allègrement les effigies du pape. Ensuite, lorsqu'une plus grande tolérance religieuse fut de mise, on commença à brûler les effigies de Guy Fawkes. Cette célébration, qui a perdu son sens politique et religieux, se perpétue encore aujourd'hui chaque 5 novembre : c'est la Guy Fawkes Night ou Bonfire Night (nuit du feu de joie). Les participants y portent parfois des masques stylisés censés représenter Fawkes.

"That Guy" ou comment un nom s'incruste dans la langue anglaise

La nuit du feu de joie n'est pas la seule trace importante que Guy Fawkes a laissée derrière lui. Son nom s'est en effet incrusté dans la langue anglaise jusqu'à en devenir l'un de ses mots les plus courants.
Tout d'abord, il faut savoir que le prénom Guy, d'origine normande, n'était pas du tout courant dans l'Angleterre de l'époque. Lorsque la tradition des "bonfire nights" débuta, le mannequin à l'effigie de Fawkes prit tout naturellement le nom de "guy".
Le mot "guy" devint ensuite un surnom donné aux personnes habillées de manière grotesque... puis, au fil des années, le nom perdit son côté descriptif pour ne désigner qu'une personne, généralement de sexe masculin, mais aussi des groupes de personnes sans différence de genre. L'équivalent le plus proche en français serait probablement le mot "mec".
Lorsque les anglophones disent : "Hi, guys!" (salut les mecs) ou "he's a good guy" (c'est un mec bien), ils font référence, souvent sans le savoir, à Guy Fawkes...

V pour Vendetta : le masque d'Anonymous... et des autres

Mais ce n'est pas tout. Non content d'influencer les festivités britanniques et la langue de Shakespeare, Guy Fawkes est désormais un symbole d'une culture politique alternative, grâce à une bande dessinée éditée par DC comics dans les années 80 : V pour Vendetta. Dans un futur post-apocalyptique, un anarchiste combat un gouvernement fasciste. Pour se dissimuler, il porte un masque ... de Guy Fawkes. Le film V pour Vendetta, sorti en 2006, rendra le personnage (et le masque !) encore plus célèbre.
Le masque de Fawkes utilisé dans V pour Vendetta va alors être adopté, en 2008, par le célèbre groupe de hackers activistes Anonymous, notamment lors de manifestations anti-scientologie à son initiative : les participants se dissimulaient le visage derrière ces masques. Puis ce fut le tour des altermondialistes du mouvement "occupy Wall Street", et aujourd'hui, l'effigie de Guy Fawkes tend à symboliser les activistes informatiques autant que le mouvement des indignés ou les anticapitalistes.
Ces mêmes Anonymous qui, avec les indignés ont choisi le 5 novembre, le Guy Fawkes Day, pour leurs défilés de protestation dans le monde entier : la "marche du million de masques", qui se veut un symbole de la lutte contre la corruption politique, la surveillance de masse et l'austérité.
Un extrémiste catholique terroriste sera devenu le symbole d'un mouvement libertaire et anticapitaliste. L'histoire doit avoir le sens de l'humour...

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