Le cas du revenant d’Alès (1323)

En 1323, la ville d’Alès est le théâtre d’un fait divers troublant : un bourgeois de la ville, Gui de Corvo [Polo de Beaulieu, 1994 : 50-61], revient huit jours après sa mort hanter sa demeure. Sa veuve, effrayée par les bruits étranges et les gémissements qui se font entendre la nuit, s’empresse de demander l’aide des consuls de la ville, qui s’adressent alors au prieur des dominicains, Jean Gobi le Jeune († 1348). Celui-ci accepte de venir inspecter la maison et maîtriser cette voix venue d’outre-tombe. Il se fait accompagner par des frères lettrés et un notaire – Pierre Bruguière – qui prend en note (en forme de procès-verbal) les deux nuits d’interrogatoire du revenant menées par Jean Gobi [Chiffoleau, 1980 : 398-402 ; Martin, 1988 : 368, 492-493 et 514].

Pour étonnante que soit la forme de ce texte, ce type de dialogue n’est pas isolé au Moyen Âge. Jean-Claude Schmitt [1994] a mis en lumière l’impressionnante production de récits d’apparitions de fantômes en Occident, notamment à partir du xiie siècle. L’historien rappelle qu’il existe deux modalités d’apparition des revenants liées à deux formes de récit. Le récit autobiographique rapporte une apparition survenue en général dans un rêve, tandis que le compte rendu d’une apparition transmis par une chaîne de témoins fait référence à une apparition à l’état de veille. Le procès-verbal, conduit à la première personne par Jean Gobi lui-même, se situe à mi-chemin entre ces deux types de récit. Le dominicain interroge une voix donnée comme celle d’un revenant et, à partir de son témoignage initial, une chaîne de récits va se greffer et prendre une ampleur extraordinaire. Le récit initial et ses excroissances postérieures nous invitent à nous interroger sur la nature de cette voix, donnée comme venant de l’au-delà. Qui parle à la veuve d’abord, à Jean Gobi ensuite ? Est-ce bien la même voix qu’entendent ces deux protagonistes ? Par quels procédés Jean Gobi met-il le lecteur en condition de récepteur de cet étrange dialogue ? Notre perspective anthropologique nous place en situation de doute à l’égard de l’assertion fondamentale du prieur sur la nature et l’origine de cette voix. Ce parti pris méthodologique nous incite à scruter derrière les paroles du revenant le discours du clerc, qui se donne comme seul intermédiaire efficace entre la veuve et son époux défunt, comme le seul interprète possible du message proféré par un locuteur qui reste obstinément invisible et comme seul habilité à agir sur cet esprit bavard pour tenter de libérer la maison de sa présence gênante. La nature même des révélations du revenant, largement orientées par les questions précises et pressantes du prieur, contribue à modeler un discours orthodoxe sur le sort des âmes en peine ; discours qui valorise trois points forts de la théologie et de la pastorale de la fin du xive siècle : la confession, les suffrages et les indulgences. Le fait que ces révélations proviennent du témoignage direct d’une âme du purgatoire leur confère une autorité indiscutable et un pouvoir de persuasion évident.


Mises en scène



Jean Gobi met donc le lecteur en condition pour qu’il « entende » à son tour cette voix d’outre-tombe. Il insiste pour cela sur les mesures préventives qu’il met en œuvre afin de déjouer « toute supercherie ou illusion démoniaque » [Polo de Beaulieu, 1994 : 51]. Les traités théologiques et les commentaires de la liturgie soulignent effectivement que les démons peuvent s’emparer d’un cadavre pour tromper les vivants. Un ensemble de rituels permet de déjouer ces pièges : récitation de certaines oraisons, aspersion du corps et de la tombe avec de l’eau bénite, inhumation avec des reliques, avec un texte de prière ou avec une hostie [Bozoky, 1995 : 311-331 ; Platelle, 1997 : 249-250]. Dans ce cas précis, Jean Gobi agit comme un véritable détective : il fait inspecter tout le quartier et la maison du défunt jusqu’au toit et y fait « poster des hommes bons et honnêtes » après avoir évacué les habitants [Polo de Beaulieu, 1994 : 51-52]. Il nous est impossible de localiser précisément la maison de Gui de Corvo, mais la mention de son nom accolé au terme de « citoyen » (civis) donne à penser qu’elle était située intra muros, dans un quartier assez densément peuplé. Elle devait être assez vaste pour accueillir, lors de la deuxième nuit d’interrogatoire, Jean Gobi, trois frères et de « nombreux séculiers » [Polo de Beaulieu, 1994 : 59]. Ce bourgeois alésien devait donc être d’un milieu aisé, capable d’entrer en relation avec les consuls, comme le suggère la première démarche de sa veuve, qui s’est d’abord adressée à des « personnes nombreuses et distinguées de la ville » [Polo de Beaulieu, 1994 : 51]. Le couvent des frères prêcheurs est, quant à lui, bien situé sur le plan de la ville restitué pour l’année 1393 [cf. plan ci-dessus]. Il occupe des terrains bon marché de l’autre côté du Gardon, au sud du faubourg de Rochebelle, mais ce couvent est bien relié au centre ville par le pont des Prêcheurs. D’autre part, l’allusion aux cloches du prieuré de Saint-Germain du Montaigu [Polo de Beaulieu, 1994 : 58] contribue à ancrer ce fait divers dans la topographie urbaine alésienne.

La mise en condition préalable à l’apparition passe également par une préparation psychologique et rituelle des protagonistes. La veuve de feu Gui de Corvo semble la moins préparée à cette intrusion de l’au-delà dans le cours de sa vie quotidienne. Ses réactions de panique sont notées avec soin par le notaire : « Dès que le bruit se manifesta devant nous, la femme se mit à trembler violemment, à s’épouvanter et à crier : “Le voilà ! le voilà !” Plus tard, il note son “état de terreur et d’affliction” » [Polo de Beaulieu, 1994 : 52, 57]. La première réaction du prieur est de soupçonner la veuve de fraude : il la fait donc accompagner sans cesse par « une femme âgée et de bonne réputation » [Polo de Beaulieu, 1994 : 52], qui est installée avec elle dans son lit durant la première nuit. Cette présence et cette assignation à une posture passive doivent, selon Jean Gobi, éviter toute initiative frauduleuse de la part de la veuve. La preuve de la sincérité de cette dernière est faite par sa crise de nerfs, qui met brutalement fin à la première nuit de dialogue avec le revenant. La montée progressive de sa peur tout au long de l’interrogatoire lui confère une indéniable tension dramatique. Elle disqualifie la veuve comme interlocuteur possible avec le revenant. Lors de la deuxième nuit, la veuve est toujours décrite comme en proie à « une frayeur extrême » ; elle est encore plus étroitement contrôlée : « l’épouse du défunt, bien entourée de bonnes dames » [Polo de Beaulieu, 1994 : 58]. En outre, trois protections spirituelles lui sont apportées pour éviter une nouvelle crise nerveuse : le signe de croix, l’évangile ouvert à la première page de l’Évangile de Jean (« In principio erat verbum [1][1] Un recueil d’exempla franciscain anonyme de la fin... ») et la récitation d’une conjuration personnalisée : « Je te conjure par la très sainte Passion de notre Seigneur Jésus-Christ à la garde duquel je confie mon âme et mon corps, de ne pas me faire de mal. »

Jean Gobi organise également la mise en condition des hommes chargés de surveiller la maison et de porter témoignage. Il choisit avec soin les frères destinés à l’accompagner ; leurs noms sont donnés : Jean Bonafous, lecteur en philosophie, Dieudonné Durant et G. Raoul de Millau. On peut se demander si le chiffre trois possède une dimension symbolique ici, comme pour se placer sous la protection de la Trinité. Jean Gobi s’entoure également de cent laïcs dont il connaît les noms pour les plus importants d’entre eux : le seigneur d’Alès (Raymond Pelet), Guillaume Cadoine (issu d’une puissante famille du Gévaudan), P. Navarre, prieur du château et maître Pierre Bruguière, le notaire. Deux personnages sont nommés sans que leur fonction ne soit définie : G. de Pugilliano Durant et G. Carcossi, sans doute des notables ? Cette liste de personnages importants, authentifiée par la mention de leurs noms et/ou de leurs fonctions, leste ce récit d’un poids social très fort. Lors de la deuxième nuit de dialogue, le même processus se répète : manière de multiplier les témoins, seuls changent les noms de deux frères…



Le conditionnement de tous ces assistants passe par une sorte de mise en scène dans l’attente de la voix. C’est la nuit, chaque frère allume sa lanterne, le reste de la maison demeurant sans doute plongé dans la pénombre. Des prières spécifiques sont récitées à voix haute par les frères et le prieur : « Les neuf leçons des défunts et la litanie » et lors de la deuxième nuit « L’office des défunts, ainsi que de nombreuses autres prières ». Dès que la voix se fait entendre, tous ces témoins l’entourent. Ce cercle formé lors des deux nuits d’interrogatoire a pour fonction de maintenir sur place l’esprit du défunt et de soutenir l’entreprise d’interrogation et de neutralisation menée par Jean Gobi. La seule image qui subsiste dans un manuscrit bourguignon [2][2] Getty Museum, Los Angeles, ms 31, fol. 7 (xve sièc... tardif [photo 2] met précisément en scène ce cercle formé par la veuve, le prieur (les deux se font face), le notaire et quatre autres personnages non clairement identifiés (deux laïcs et deux clercs aux vêtements sombres).

Jean Gobi s’est préparé à la rencontre avec l’esprit par une ruse particulière. À l’insu de tous, il a emporté une hostie consacrée cachée dans son scapulaire. On peut s’interroger sur le rôle précis que devait jouer cette hostie consacrée, présence divine réelle affirmée depuis le xiiie siècle et largement rappelée dans la prédication [Rubin, 1991]. Était-ce un rôle de protection supplémentaire contre un démon ou un esprit malfaisant ? Nous verrons que cette hostie jouera un rôle très important au cours du dialogue, pendant lequel des fonctions spécifiques sont distribuées à chacun des témoins.

Au cours de ces deux nuits, la veuve est progressivement, mais nettement, écartée. Elle est reléguée dans un lit lors de la première nuit, et éloignée de ce fait du cercle des témoins directs. Son rôle est extrêmement limité et contrôlé par deux hommes : le notaire et le prieur. Lors de la première nuit, elle répond à la première question du prieur sur le lieu où se manifeste la voix [Polo de Beaulieu, 1994 : 52] ; puis, poussée par le notaire, elle est invitée à identifier la voix (fonction qu’elle remplit aussi la deuxième nuit). Aussitôt la réponse entendue de tous, le cercle se fait autour de cette voix, puis le prieur, ainsi que, dans une moindre mesure, le notaire, conduisent l’interrogatoire, sans plus se préoccuper de la veuve. Une seule exception à cette exclusion : le prieur demande au revenant « pourquoi il se manifeste à sa femme plutôt qu’à une autre personne », et il répond que c’est « parce qu’il l’avait plus aimée ». Cette réponse, qui correspond bien à la promotion de l’amour conjugal [Gordon, Marshall, 2000 : 33-39], place clairement la relation entre la veuve et son époux sur le plan affectif et enlève encore une fois toute capacité à la veuve à jouer un rôle d’intermédiaire efficace entre l’au-delà et l’ici-bas.

De plus, la veuve semble chargée d’un péché mystérieux, qui seul expliquerait sa souffrance [Polo de Beaulieu, 1994 : 57]. Cette complicité dans la culpabilité avec l’âme en peine ne lui permet donc pas de dominer le revenant et d’en libérer elle-même sa demeure. Sa parole étant par avance exclue du processus d’interrogation et de neutralisation du revenant, la crise de nerfs suivie d’un évanouissement, le langage du corps, donc, s’avère le seul moyen d’expression qui soit laissé à la veuve. Elle se conforme dès lors à un modèle traditionnel : au cours des funérailles, l’évanouissement de la veuve faisait partie intégrante du rituel [Parisse, 1993].

La fonction d’interprète des paroles du revenant et d’exorciste pour l’éloigner de la maison incombe naturellement à Jean Gobi. En effet, en tant que prieur du couvent des dominicains, il présente toutes les garanties pour assumer cette double fonction. Il est le neveu d’un Jean Gobi l’Ancien († 1328) [Albanès, 1880 : 60-82 ; Kaepelli, 1975 : 442], bien connu dans la hiérarchie dominicaine, diplômé en théologie de la prestigieuse université de Paris (1291-1293), prédicateur général de la province de Provence à partir de 1300, et fondateur du couvent royal de Saint-Maximin. Même s’il est moins connu que son parent, Jean Gobi le Jeune [Welter, 1927 : 319-325] appartient donc à une famille qui s’est illustrée dans l’ordre dominicain ; il finira également sa carrière à Saint-Maximin. Plus localement, cette même famille Gobi a donné plusieurs consuls à la ville d’Alès [Mémoires Académie Nîmes, 1889-1890 : 103-153]. Jean Gobi est donc un enfant du pays, qui offre toutes les garanties de la formation assurée par l’ordre dominicain.

Dialogues

Cependant, Jean Gobi n’agit pas seul. Il a besoin du notaire et des frères. Pierre Bruguière fut effectivement notaire à Alès comme l’attestent des actes de 1327 et sa présence sur la liste des consuls en 1328. Sa fonction consiste à conférer à ce dialogue la pérennité et l’autorité de l’écrit, dans une région méridionale où le notariat est fort actif. Les frères choisis par Jean Gobi interviennent au début de la première nuit pour aider à identifier le revenant et comprendre une de ses réponses. En effet, Jean Bonafous interrogeant l’esprit pour savoir s’il le connaît, la voix répond que non [Polo de Beaulieu, 1994 : 53]. Cette réponse négative contraste avec la réponse positive donnée à la même question posée par Jean Gobi lui-même. Jean Bonafous semble seulement servir ici de faire-valoir pour projeter Jean Gobi sur le devant de la scène et lui conférer le premier rôle. Cette focalisation sur la personne de Jean Gobi est confirmée de façon spectaculaire lors de la deuxième nuit : il demande lui-même à l’esprit qui il est, et celui-ci répond : « li priour ». Cette mention unique en occitan [Régis-Cazal, 1998] fait de lui le seul véritable interlocuteur reconnu par le revenant. En même temps, cette mention en langue vernaculaire introduit un doute dans l’esprit du lecteur : comment s’exprime le revenant, en latin ou en occitan ? Ce procès-verbal est-il le fruit d’une traduction ou restitue-t-il directement la langue des dialogues ? On pourrait en outre se demander si Jean Gobi n’aurait pas été le confesseur de feu Gui de Corvo. L’hypothèse est fort plausible, dans la mesure où les frères mendiants sont souvent confesseurs, témoins et bénéficiaires des testaments [Lauwers, 1997 ; Fournié, 1997]. Cependant, cette place ne fait pas de Jean Gobi un expert omniscient. Il avoue ne pas comprendre la réponse du revenant lorsqu’il lui demande [Polo de Beaulieu, 1994 : 54-55] quelle messe il a célébrée ce jour-là à son intention et que celui-ci lui répond : « Celle du Saint-Esprit. » « Ne comprenant pas bien sa réponse, je lui dis : “Tu mens, car bien que dans ma messe j’aie dit deux oraisons du Saint Esprit, l’office principal était pourtant celui des défunts.” Cependant, les assistants me dirent que le mort répondait que grâce au Saint Esprit, dont j’avais fait mémoire pendant la messe, sa peine avait été bien allégée, mais je compris mal cela. »

Le notaire n’a pas hésité à noter les hésitations de Jean Gobi sur ce point de liturgie qui peut sembler un détail, mais qui pose en réalité la question importante de l’intercession du Saint-Esprit en faveur des âmes du purgatoire. On sait (grâce aux travaux notamment de Jacques Chiffoleau) que les confréries à forte vocation funéraire du Midi étaient souvent dédiées au Saint-Esprit [Chiffoleau, 1987 : 9-40], d’où l’intérêt de cette question. Il semble que l’incompréhension de Jean Gobi repose sur une différence de précision dans le vocabulaire liturgique employé par le revenant. Celui-ci évoquant une messe du Saint-Esprit, il semble confondre une messe votive dédiée au Saint-Esprit et la messe effectivement célébrée par Jean Gobi : une messe des défunts incluant deux oraisons du Saint-Esprit. Le manque de précision du vocabulaire liturgique du revenant prouve, s’il en était besoin, qu’il s’agit bien d’un laïc moins au fait de ces nuances que le prieur habitué à officier. Dans ce court intermède se creuse la distance entre le religieux qui dirige l’interrogatoire et l’esprit d’un laïc ordinaire, qui ne peut que répondre avec les faiblesses et les lacunes de son vocabulaire. La réponse en occitan et cette réplique sur la messe du Saint-Esprit contribuent à différencier les niveaux linguistiques des deux interlocuteurs, qui sont pour tout le reste très proches, au point que l’on pourrait avoir souvent l’impression que c’est le clerc qui s’exprime à travers la voix du revenant. En effet, l’essentiel des réponses de l’esprit bavard constitue un message cohérent sur les âmes du purgatoire, la confession, les suffrages et les indulgences, identique à celui que l’on pourrait trouver à la même époque dans les sermons, les recueils d’exempla, les manuels de confesseurs, les catéchismes en tout genre et les traités sur le sort des « âmes séparées » [Polo de Beaulieu, 1994 : 121-149].

L’esprit donne à Jean Gobi toutes les clés nécessaires pour élucider sa nature d’« âme en peine ». En parlant d’abord, il accède à un statut mieux défini que celui des bruits étranges (bruits d’un balai), des gémissements ou d’un souffle de vent. Le fait que la peur initiale de Jean Gobi disparaisse peu à peu est un signe de la nature non démoniaque de cet esprit. Rappelons que la terreur persistante de la veuve est interprétée comme la preuve de sa culpabilité liée à un péché pour lequel la pénitence n’a pas été achevée. Ce sont les conjurations de la veuve et de Jean Gobi qui semblent obliger le revenant à dévoiler sa nature d’âme du purgatoire : « Je suis un esprit bon », « un esprit qui faisait et subissait son purgatoire » [Polo de Beaulieu, 1994 : 53, 59]. Le fait qu’un « bon ange » l’ait conduit sur le lieu de son châtiment l’assigne clairement au rang des âmes du purgatoire. La nature incorporelle de cet esprit est à plusieurs reprises soulignée dans le dialogue. Jean Gobi lui demande comment un esprit incorporel peut souffrir d’un feu corporel, question classique depuis le 4e livre des Dialogues de Grégoire le Grand, et souvent reprise depuis [Carozzi, 1994 : 540-549]. De plus, le prieur lui demande de se signer, mais il avoue ne pas avoir de mains. Et quand on lui demande comment il peut entendre s’il n’a pas non plus d’oreilles, il rétorque que « cela se faisait par le pouvoir de Dieu ». Jean Gobi décrit donc un type de fantôme totalement désincarné, qui ne se fait connaître que par sa voix. Cette description tourne le dos à une longue tradition de récits d’apparition de fantômes presque « en chair et en os » ou du moins à l’effigie (plus ou moins évanescente) du corps du défunt [Schmitt, 1994 : 39-42].

Cette âme en peine est douée d’une connaissance qui transcende toute frontière entre ici-bas et au-delà. Elle sait ce qui se passe sur terre, par exemple quelles messes sont dites pour elle, par qui… Elle a en outre un don de connaissance surnaturelle, dans la mesure où elle voit les objets cachés, comme l’hostie dissimulée par le prieur dans son scapulaire [Polo de Beaulieu, 1994 : 56]. Sa découverte constitue un point d’orgue lors de la première nuit du dialogue, elle stupéfie tous les témoins. De plus, Jean Gobi tente d’obliger l’esprit à suivre l’hostie pour quitter la maison. C’est la crise de nerfs de la veuve qui interrompt brutalement la procession vers la porte.

Même si la voix avoue connaître « les secrets de la nature » et l’identité des damnés et des élus, elle refuse de les dévoiler, car « Dieu ne permettait pas de parler de cela » [Polo de Beaulieu, 1994 : 57]. Cette impossibilité dessine les limites de ce dialogue, qui ne peut extorquer au revenant que des précisions (extrêmement orthodoxes) sur la géographie et la temporalité de l’au-delà, le rôle des anges et des démons au moment de la mort et lors du jugement. Le mutisme du revenant sur le sort des autres défunts empêche Jean Gobi d’endosser le rôle de l’« armier » (personnage clé de la culture folklorique), celui qui voit les morts et qui est capable de révéler aux familles la situation de leurs chers disparus [Le Roy Ladurie, 1975 : 584, 591-604 ; Fournié, 2000 : 247-249]. Les révélations du revenant sur le purgatoire sont inscrites au sceau de l’orthodoxie dans la mesure où Jean Gobi a pris soin de lui poser au début du deuxième interrogatoire une question sur la virginité de la Vierge Marie qui pouvait facilement servir à débusquer un hérétique cathare [3][3] « De même, je lui demandais en faisant les mêmes conjurations,....

L’esprit définit le purgatoire par sa localisation et sa durée. Il explique qu’il subit sa purification par le feu en deux lieux : le purgatoire commun (le jour) et le purgatoire particulier (la nuit), à savoir cette demeure, notamment cette chambre dans laquelle il avait commis un péché [Polo de Beaulieu, 1994 : 54]. La durée de ce séjour purificateur est évaluée à deux années. Finalement, le message de Gui de Corvo se ramène à une promotion de la confession et des suffrages. Il montre tous les avantages de la confession, qui assure un jugement post mortem favorable. Celle-ci efface les péchés, à condition que la pénitence soit accomplie ; sinon, « ces péchés confessés sont comptés une nouvelle fois au moment de la mort » [Polo de Beaulieu, 1994 : 55]. Plus encore, ce dialogue met en scène l’efficacité des deux moyens dont disposent les vivants pour venir en aide aux défunts : les suffrages et les indulgences. Les suffrages sont des œuvres de piété destinées à raccourcir le temps de purgatoire des âmes en peine : la messe, l’aumône [Bratu, 1993 : 177-215], le jeûne et les prières. À Alès, en 1323, l’esprit de Gui de Corvo n’évoque que la messe et les prières [Gobi, 1994 : 54] (notamment les sept psaumes pénitentiels). Il insiste sur les bienfaits de la messe et réclame la célébration de cent messes à son intention. Cette demande correspond bien à ce que nous apprennent les testaments des derniers siècles du Moyen Âge, notamment ceux du Comtat Venaissin guère éloigné d’Alès. Ils attestent une inflation dans les demandes de messes, même chez des personnes de revenus moyens ou faibles [Chiffoleau, 1981 : 235-256]. Dès les premières manifestations du revenant, sa veuve a effectivement commandé des messes aux dominicains, mais aussi aux franciscains et à d’autres églises pour apaiser et éloigner l’âme de son défunt mari. Ces messes ont dû se multiplier entre la première nuit du dialogue (quelques jours après Noël) et la seconde (la veille de l’Épiphanie). Leur efficacité est reconnue par le revenant qui affirme : « Sur la terrible peine qu’il subissait ici, la bonté de Dieu lui avait ôté l’obligation de rester là après la fête de Pâques » [Polo de Beaulieu, 1994 : 60]. Ce purgatoire particulier, prévu initialement pour durer deux années, se ramène à quelques semaines de Noël à Pâques. Il s’inscrit entre deux dates majeures du calendrier liturgique et des festivités liées à la culture folklorique. En effet, les douze jours compris entre la Nativité et l’Épiphanie sont réputés propices aux apparitions de défunts [Gaignebet, Florentin, 1974 : 17-39]. Mais la raison théologique reste sauve puisque la libération de cette âme en peine coïncidera avec la commémoration de la descente du Christ aux enfers [4][4] La commémoration de la descente du Christ aux enfers... et de sa Résurrection.

Enfin, ce dialogue fait la promotion des indulgences, définies depuis 1215 comme une rémission (hors sacrement), accordée par l’Église, de la pénitence due pour un péché confessé et donc déjà pardonné. Elles permettent de diminuer la durée ou la rigueur de la pénitence. Les bénéfices des indulgences sont étendus officiellement aux âmes du purgatoire à partir de Calixte III (1378-1458), mais, dans la pastorale, cette extension était déjà largement attestée dès le xiiie siècle malgré les tentatives de la hiérarchie ecclésiastique pour maîtriser ces pratiques. Au siècle suivant, on assiste à une inflation incontrôlée des indulgences liées aux pèlerinages, aux fêtes et au culte des saints. Lors de la seconde nuit, Jean Gobi donne au revenant toutes les indulgences qu’il avait gagnées en une année.

Qui parle ?


Ce discours cohérent sur les fins dernières et l’au-delà naît du jeu des questions et des réponses entre le dominicain et la voix du fantôme. Mis à part quelques discordances, qui donnent un effet de distanciation entre les deux voix, l’harmonie est complète entre ces deux interlocuteurs en totale empathie. Cette constatation nous ramène à la question initiale de notre article : qui parle durant ces deux nuits ? Le rédacteur de la notice sur Jean Gobi dans l’Histoire littéraire de la France [Langlois, 1921 : 532-556] trancha clairement la question : la veuve ne pouvait qu’être ventriloque ! L’état de la médecine et de la psychiatrie en 1921 explique aisément ce type de raisonnement. Nous préférons penser qu’un événement troubla effectivement le deuil d’une veuve d’Alès en 1323, et que le prieur dominicain se pencha sur l’affaire. La suite est affaire d’écriture. L’on sait que la rédaction de dialogues fictifs sur des questions théologiques était un exercice largement utilisé, notamment dans les studia mendiants [Moos, 1989 : 993-1028]. La démarche de Jean Gobi n’est pas originale face à la détresse de cette veuve : il applique des recettes exposées dans d’autres ouvrages. Se faire accompagner d’un notaire pour noter les paroles venues de l’au-delà est déjà la démarche effectuée en 1011 par l’abbé de Saint-Vanne de Verdun, Richard, lorsqu’il constate qu’un des moines à l’agonie du monastère de Saint-Vaast d’Arras se met à dialoguer avec l’archange Michel [Carozzi, 1994 : 396-397]. Le corps du moine sert en quelque sorte d’émetteur, puisque, par l’action du Saint-Esprit, sa voix produisait non seulement des questions, mais retransmettait également les réponses de l’archange. L’abbé de Saint-Vanne de Verdun envoie ce compte rendu avec une lettre aux monastères qu’il avait réformés, en précisant : « Nous avons pris soin de faire transcrire ce qui suit par le notaire, qui se trouvait là comme nous l’avons dit plus haut, à l’instant de chaque interrogation de l’âme et de chaque réponse de l’ange. Nous n’avons ni mélangé ni modifié le discours latin ou les paroles, mais tout ce que les protagonistes échangeaient était retransmis en écho, sous l’action de l’Esprit Saint, pour nous qui étions sur terre, par la langue de ce corps mort » [Carozzi, 1994 : 396-397].

Ensuite, le subterfuge de l’hostie cachée n’est pas une trouvaille de Jean Gobi, mais a pu tout à fait s’inspirer de la pratique de son confrère Thomas de Cantimpré, qui, dans son Bien universel fondé sur les abeilles, raconte comment un frère avait utilisé la même ruse pour se protéger, avant de se rendre au lieu d’une prétendue apparition de la Vierge. Il s’agissait en réalité d’un démon tâchant de tromper un hérétique. Dès que le frère montra la pyxide (petite boîte dans laquelle on conserve l’hostie consacrée), et exigea de cette reine du ciel de reconnaître là son fils, l’apparition disparut dans un bruit de tonnerre [Th. de Cantimpré, 1613 : 553-555]. Enfin, l’interprétation de Jean Gobi, pour qui les bruits étranges émanant de l’esprit errant dans sa propre demeure « sont ceux d’un balai traîné par lui-même » [Polo de Beaulieu, 1994 : 52], correspond à une tradition diffusée par la littérature religieuse, comme la Vision de Barontus [chap. 12-13]. Le 25 mars 678 ou 679, guidé par l’archange Raphaël, l’âme d’un moine (d’origine noble et coupable de nombreux péchés) Barontus effectue un voyage jusqu’à la quatrième porte du paradis, tandis qu’à son retour elle visite l’enfer. Barontus échappe à la damnation grâce à ses aumônes et à la promesse faite à Pierre de les poursuivre régulièrement. Mais pour revenir dans son corps, cette âme voyageuse a besoin d’un auxiliaire : ce sera le moine Framnoald, mort dès l’enfance et enterré au seuil de l’église abbatiale. En échange de ce service outre-tombe, Barontus devra balayer la sépulture de Framnoald chaque dimanche et chanter pour lui le Miserere mei, Deus [Carozzi, 1994 : 139-186]. Le balayage peut donc être considéré comme une pénitence. D’autre part, des textes de pastorale comparent la confession à un nettoyage de l’âme, le sacrement de confession faisant en quelque sorte office de balai. Cette image ménagère n’est donc pas une invention de Jean Gobi, mais la reprise (consciente ou non) d’un topos [Leclercq, 1972 : 129-137].


Enfin, le don des indulgences de Jean Gobi en faveur de l’âme de Gui de Corvo pour abréger ses souffrances est un acte de piété, prêté ailleurs à une veuve en faveur de son défunt époux (sous la plume de Thomas de Cantimpré) : « Dans sa compassion pour son mari défunt et pour secourir son âme, elle lui a abandonné toutes les bonnes actions qu’elle avait faites dans cette vie » [Platelle, 1997 : 268-269]. Jean Gobi a eu la prudence de ne donner que les indulgences gagnées en une année. Sage précaution, car cette veuve trop généreuse a été possédée par le diable, et le dominicain chargé de l’exorciser mit plusieurs jours à la délivrer.

L’autre modèle de cette œuvre de piété est saint Bernard, qui, d’après un recueil d’exempla du début du xive siècle, donna à un prêtre moribond tous ses mérites pour le convaincre de se confesser in extremis. Quelques jours plus tard, il vit l’âme du prêtre défunt siégeant au paradis, et un siège encore plus beau préparé pour lui afin de le récompenser pour sa charité [5][5] [Thomas de Cantimpré, Les exemples du livre des abeilles,.... Cet acte héroïque est donc possible pour les saints et les religieux, mais semble trop périlleux pour les simples laïcs. Il semble donc que dans la mise en scène de l’apparition vocale du revenant, aussi bien que dans la rédaction du procès-verbal de son interrogatoire, la culture, l’outillage mental et les attentes de Jean Gobi aient joué un rôle non négligeable.



Mais c’est par une autre version que ce fantôme se fera connaître dans toute l’Europe à la fin du xive siècle. Un des confrères de Jean Gobi, sans doute italien [6][6] Alès devient Vérone ou Boiana et Jean Gobi Anthone..., s’est livré à une réécriture du procès-verbal, le transformant en un véritable traité théologique sur les fins dernières, intitulé Belle histoire de l’esprit de Gui [ms de Trèves, photo 3] ou Dispute de Gui (au sens scolastique de la dispute universitaire) [ms de Cologne, photo 4], ou encore : Vision de l’âme de Gui de Turno, Conjuration d’un esprit nommé Gui… Tout en affectant un ton beaucoup plus savant, ce traité ménage une place non négligeable à la veuve, en insistant encore plus fortement sur les souffrances que lui infligent les apparitions de son défunt époux. Tous ces manuscrits mettent l’accent sur le miracle, constitué, soit par l’apparition du revenant, soit par l’effet que produit sur lui l’hostie cachée par Jean Gobi. Dans ce dernier cas, ils se placent dans la série des miracles eucharistiques, fort nombreux depuis le xiiie siècle, en relation avec la promotion du culte du Saint Sacrement. Toutes les versions du traité s’ouvrent sur une citation d’Augustin définissant la nature du miracle, ce qui place ce dialogue sous le sceau d’une autorité respectée jusqu’à la fin du Moyen Âge [De Vooght, 1939 : 197-222]. Le ton clérical s’est donc durci dans cette version longue.

Faisant nôtre le présupposé de Jean-Claude Schmitt, selon lequel les défunts n’ont d’autre existence que celle que leur prêtent les vivants, il est pour nous évident que ce dialogue, dans sa forme écrite, est une fiction [Polo de Beaulieu, 1994 : ix-xxxi]. Il n’en demeure pas moins un document historique de première importance. Bien loin de naître de « la rencontre d’un clergé tricheur et d’imbéciles crédules », pour reprendre la formule d’Aaron Gourevitch [1992 : 363], ce texte est le fruit de la mise en écriture d’un événement insolite, qui a mobilisé pendant plusieurs semaines toute la ville d’Alès. Une veuve a pu effectivement mal vivre son deuil, au point de se présenter elle-même comme « le substitut narcissique du mort » selon les termes de la terminologie freudienne [Laplanche, Pontalis, 1978 : 146-174]. En effet, la mauvaise conscience du péché non effacé pèse de tout son poids sur cette femme, qui semble reprendre à son compte cette culpabilité et la responsabilité d’achever la pénitence de son époux décédé. La littérature médiévale fournit de nombreux modèles de ce transfert d’une faute sur le conjoint survivant, particulièrement sur les épouses [Labande, 1981 : 147 ; Constable, 1967 : no 53]. Pour Jean-Claude Schmitt, c’est « la voix de la conscience morale [qui] paraît transformée en voix du mort ». Le peintre Simon Marmion, qui a illustré le dialogue par une miniature unique, a certainement saisi le rôle crucial de la veuve. Il ne la représente pas à l’écart, confinée dans un lit et entourée de dames (comme l’affirme le texte), mais la place au premier plan du cercle des témoins, face au dominicain qui lui adresse un regard inquisiteur. Le Dialogue de Gui est le fruit de cette confrontation. Il constitue une véritable « figure de compromis » entre le besoin des laïcs de conserver un lien avec leurs parents défunts et l’affirmation d’un monopole ecclésiastique dans la gestion de ces relations entre l’ici-bas et l’au-delà. ?

Références bibliographiques

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Welter Jean-Thiébaut, 1927, L’Exemplum dans la littérature religieuse et didactique du Moyen Âge, Paris-Toulouse, Slatkine Reprints, Genève, 1973.

Notes


[1]
Un recueil d’exempla franciscain anonyme de la fin du xiiie siècle, la Tabula exemplorum [éd. J.-Th. Welter, Paris, Toulouse, 1927, no 64 : 20-21], évoque l’utilisation de ces premiers versets de l’Évangile de Jean (« In principio erat verbum ») pour faire fuir un démon. Le statut synodal de Cambrai du xive siècle (canon 177) confère dix jours d’indulgence à celui qui récite le Pater noster et fait une génuflexion en entendant ces versets. [Cf. : Pontal O. et alii, Répertoire des statuts synodaux des diocèses de l’ancienne France du xiiie au xviiie siècle, Paris, éd. du cnrs, 1963 (doc., études, répertoire, 8).]
[2]
Getty Museum, Los Angeles, ms 31, fol. 7 (xve siècle).
[3]
« De même, je lui demandais en faisant les mêmes conjurations, s’il croyait que le Fils de Dieu s’était réellement incarné pour sauver le Genre Humain, la virginité de la Glorieuse Marie mère du Christ étant restée intacte et inaltérée. Il répondit d’une voix très assurée et un peu plus élevée : “Je crois cela en toute vérité” » [Gobi, 1994 : 59].
[4]
La commémoration de la descente du Christ aux enfers est liée dans la théologie et la pastorale au thème de la libération des âmes en peine, voir ma thèse d’habilitation : Innovation liturgique, arguments théologiques et sources narratives. Le Lundi des Trépassés dans l’Occident médiéval (xie s.-xve s.), soutenue en novembre 2001 à l’université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, à paraître.
[5]
[Thomas de Cantimpré, Les exemples du livre des abeilles, op. cit., no 237 : 268-269] ; sur saint Bernard, voir le recueil conservé dans [le ms Londres BL, Add. 33 956 (fol. 68ra)], compilé au premier tiers du xive siècle par un franciscain, dans le midi de la France et en Angleterre. D’après la tradition cistercienne, il s’agit non pas de saint Bernard mais de Ponce, abbé de Grandselve (1158), de Clairvaux (1165-1170) ; voir : [Conrad d’Eberbach, Le Grand Exorde de Cîteaux ou les débuts de l’Ordre cistercien, trad. A. Piébourg, s. d. J. Berlioz, Brepols/Cîteaux-Commentarii cistercienses, 1998 : 98-100], récit repris dans : [Speculum laicorum no 87, éd. J.-Th. Welter, Paris, 1914, Picard : 21].
[6]
Alès devient Vérone ou Boiana et Jean Gobi Anthone de Beauchamp du couvent des Augustins de Vérone [ms du Getty Museum]. L’édition incunable évoque un parent du prieur poursuivant des études à Bologne.

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