Boris Eustache : Présumé coupable
Lorsque l’on parle de Boris Eustache, fils de Jean et représentant légal des œuvres de son père, il n’est pas rare d’entendre un peu tout et n’importe quoi. Une information biaisée relayée par les médias à propos d’une invisibilité totale des œuvres de Jean Eustache, en vidéo comme ailleurs (ce qui est faux, il suffit juste de savoir où chercher), mais ne pensant jamais à donner la parole à Boris Eustache. Pas grave, via le net, il n’hésite pas à la prendre (Petite histoire (inachevée) d’une diffusion » et « Les films de Jean Eustache ne sont (toujours) pas édités en DVD« ), mais rien n’y fait.
Il faut dire que régulièrement, Boris Eustache pointe du doigt des incohérences à propos d’éditeurs peut-être un peu trop gourmands (ou prudents, c’est selon) dans un marché de la vidéo en crise. A la suite du décès de Bernadette Laffont,Arte a eu la bonne idée de diffuser La Maman et la Putain. Si la question de l’invisibilité sur support vidéo du film a été évoquée, peu nombreux sont les médias qui ont eu l’idée d’interroger celui qui était systématiquement cité. En même temps, le présumé coupable est trop beau… Accusé, levez-vous.
- Boris Eustache, vous êtes le représentant légal des droits des films de votre père. Or, ceux-ci restent quasiment invisibles en DVD et Blu-ray. A tel point que vous êtes souvent accusé de bloquer ces sorties. Est-ce que vous pouvez revenir pour nous sur cette histoire ?
On prétend que je le les bloque par cupidité. Ce qui sous-entend que ces gens savent qu’il y a de sérieux problèmes de répartition des bénéfices. Sinon personne ne dirait que je ne les fais pas éditer dans le but de gagner de l’argent !
Si l’argent m’intéressait, je ferais comme tout le monde : j’ouvrirais une petite boîte de production, j’écrirais un scénario (genre, auteur), je chercherais trois ou quatre millions (genre, petit budget), je sous-paierais les techniciens (genre, c’est la loi), je ne paierais pas les comédiens recrutés dans des petits théâtres (genre, z’êtes pas connus mais ça vous aidera pour votre carrière) ; je me paierais en tant que producteur, metteur en scène, scénariste, monteur (genre, j’y ai droit en tant que seul et unique Auteur de mon œuvre), et pourquoi pas aussi en tant que comédien (genre, j’ai pas honte) ; grâce à la préparation et aux heures supplémentaires, le tournage prendrait deux semaines et, n’ayant eu besoin que d’un décor ou deux (genre, dont un chez moi que je me louerais très cher), je gagnerais d’un coup de quoi vivre jusqu’à la fin de ma vie (genre, vive le cinéma subventionné !). C’est un boulot de quatre ou cinq ans, mais ça vaudrait la peine. Et si je voulais qu’une certaine critique dise du bien du résultat, je l’inviterais à des soirées et lui ferais envoyer des lettres flagorneuses et prétentieuses que je signerais. Puis viendrait la distribution…
Un problème des DVD c’est la distribution. C’en est déjà un dans le cinéma. On n’a véritablement besoin d’un distributeur que quand on veut sortir sur beaucoup d’écrans mais le système impose un distributeur même quand on ne souhaite qu’une salle ou deux. Le distributeur se paye sur les recettes avant que le film soit rentabilisé. Il entrave donc cette rentabilité – mais impose quand même son nom au générique et sur l’affiche (pourquoi ne pas y mettre aussi le sigle des URSSAF, des impôts et autre CSG). Mon père avait lui-même distribué à Paris son film Une sale histoire (il a eu deux salles pendant environ trois mois). À cette occasion, il m’avait montré qu’un distributeur n’est quasiment qu’un gratte-papier doublé d’un coursier.
De plus, quand un film a atteint son seuil de rentabilité, si par exemple le distributeur gagne 10% sur les recettes et qu’un comédien en participation gagne lui aussi 10%, ces deux sommes ne sont pas égales. Car les 10% du distributeur sont 10% de la somme qui sort du cinéma. Sur 100, il prend 10, et reverse 90 au producteur exécutif, qui lui aussi prend sa part – disons 10% aussi, soit 9. Il reste 81, et ce comédien touche 8,1. (Pour ne pas être trop long, je vous passe la fiction où le distributeur est aussi le producteur exécutif et pour ne pas faire trop de paperasse, il se prend 10+10% dès le départ, et ce comédien n’a plus que 8.)
Le distributeur de DVD, lui, empoche 50% des recettes (sans contribuer non plus au remboursement des investissements nécessaires à la création du DVD). Personne n’a l’air de se rendre compte de cette escroquerie sauf si je dis que je veux gagner autant que lui. Là, les gens s’exclament qu’il est scandaleux de demander autant ! (Et moi ça me fait rigoler comme un sketch des Inconnus causant de chasseurs – « quelle différence y’a-t-il entre un bon et un mauvais 50% ? ».) Mais admettons qu’aller porter quelques DVD dans une boutique soit le maillon essentiel de la vente. Qu’en est-il de la vente via le web ? Aucun travail de distribution n’y est plus nécessaire mais pourtant le distributeur empoche quand même ces 50%. Allez comprendre ! De plus, dans ce dernier cas de figure, la part du commerçant n’existe plus, et allez savoir pourquoi, la mienne n’augmente pas d’un iota pour autant !
À l’heure où chacun peut faire un film avec un appareil photo (ou un téléphone portable) et un ordinateur, et où toutes les salles se numérisent, les sociétés de distribution ne devraient plus concerner que les grosses machines, les sorties sur une centaine d’écrans ou plus. Malgré toutes ces évolutions techniques, le système de la distribution reste protégé et cloisonné. À quand une nouvelle nouvelle vague qui transformera cela ? (On peut rêver.)
- Notons que plusieurs films de votre père existent ici et là en DVD. Je pense au célèbre - et épuisé – numéro de la revue Cinema comprenant Le Jardin des délices et Offre d’emploi… Pareil au Japon où circulent les 3 DVD de la “Jean Eustache collection”. Enfin, il y a Mes Petites amoureuses qui a été édité par le Centre National de Documentation Pédagogique en 2005. Pour chacun de ces titres, est-ce que vous pouvez nous expliquer comment se sont passés ces sorties. Avez-vous été consulté ? S’agit-il d’éditions pirates (je pense pour le disque japonais) ? Et êtes-vous satisfait de cette édition
Pour le premier (Le Jardin des délices de Jérôme Bosch et Offre d’emploi), je n’ai pas été consulté. Ces films ne m’appartiennent pas. Ils ont été produit par l’INA qui semble libre d’en faire ce qu’il veut sans avoir à consulter personne. Sur ce DVD, Le Jardin des délices de Jérôme Bosch n’est pas étalonné – ce qui a fait bondir son directeur de la photo,Philippe Théaudière, quand il a découvert la nullité de l’édition.
Le Japon n’a plus les droits des films depuis une petite dizaine d’années. C’est mon frère qui les avait vendus, et là encore, personne ne s’était préoccupé de la qualité des éléments. La copie de La Maman et la putain était dans un état lamentable. Elle circule sur le web, chacun peut en juger.
J’ai supervisé la sortie du DVD de Mes petites amoureuses pour le CNDP. Le directeur de la photo du film, Nestor Almendros, étant décédé, j’avais fait étalonner la copie « numérique » (manquant de vocabulaire, j’appelle « numérique » tout ce qui n’est pas argentique) par Jacques Besse, un directeur de la photo – qui n’a pas été payé pour son travail, le CNDP n’ayant pas cru utile de prévoir une enveloppe pour ce poste.
Je n’ai pas été consulté pour ses « bonus ». Heureusement d’ailleurs, sinon il aurait fallu tout mettre à la poubelle. Ces penseurs-du-cinéma sont consternants. Ils ignorent que Bresson a recopié un découpage de Fuller et, à supposer que pour une scène de ce film Jean Eustache se soit référé à l’un d’eux, c’est à Fuller (peut-être même qu’en lui piquant ce découpage, mon père rendait-il hommage à Godard…)
Le CNDP a été passablement malhonnête : le contrat stipulait qu’il ne pouvait vendre ce DVD qu’à des professeurs (ou assimilés) mais dans les faits n’importe qui pouvait l’acheter. De plus, il a continué à le vendre pendant un an ou deux après la fin des droits définis par le contrat.
- Précisons aussi que certains films sont visibles au Forum des images en Salle des collections, mais aussi dans le cadre de rétrospectives régulières. En fait, peut-on dire que l’invisibilité des films de votre père est relative ?
Vous avez bien raison de séparer la visibilité des films en salles de l’édition DVD. Par les temps qui courent, séparer les choses qui ne sont pas liées se fait rare. Si ces films passent rarement en salles, c’est parce qu’elles les demandent peu.
La visibilité de La Maman et la putain y est « difficile » depuis sa sortie initiale. Un film de 3h40 peut avoir deux, maximum trois séances par jour – d’autant qu’en 1973 rares étaient les cinémas qui ouvraient avant 14h.
La majorité des autres films étant des courts-métrages ou des documentaires, il va de soi, j’espère, que je ne suis pour rien dans le fait qu’ils soient rarement projetés.
On m’a aussi reproché l’ »invisibilité » de Numéro zéro ! Alors qu’il était inédit quand je l’ai fait sortir en 2003. (Et je me donne ici l’occasion de répéter encore une fois que personne ne m’a suggéré l’idée de cette sortie – sortie qui a manqué se faire en 1996 -, et que je n’avais perdu ni égaré aucun élément de ce film.)
Si on ajoute les chaînes de télé, à qui vais-je apprendre qu’elles préfèrent diffuser des films de grande audience plutôt que ceux de Jean Eustache ?
Et puis, n’importe qui peut les télécharger sur le web depuis plus de dix ans. Même moi j’ai pu, c’est tout dire.
- “Il est très choquant que Boris Eustache s’abrite derrière des problèmes administratifs ou de susceptibilité pour refuser la sortie en DVD des films de son père” disait Luc Béraud, assistant réalisateur de La Maman et la Putain (dans un article de Florence Raillard publié sur CinéObs en mars 2012). Voulez-vous commenter sa phrase ?
Souvent, les gens n’abordent le système économique qu’à travers le prisme de la peopolisation. Il est plus facile de diffamer quelqu’un qu’on ne connaît pas (il parait que ça fait vendre) que d’écrire des choses justes sur une organisation qu’on ne comprend pas (avec comme excuse que ça n’intéresse pas le lecteur).
J’ignore si cette phrase a été prononcée par Luc Béraud ou imaginée par la « journaliste ». Comme chacun sait (ou ne sait pas), des journalistes s’attribuent le droit d’écrire les réponses sans préciser les questions posées. Ceci doublé par un montage digne de Groland : un bout de mot là collé à une expression ici, un zest de traduction par-là, un chouia de reformulation par-ci, un soupçon d’interprétation là et hop l’autodéontologie est sauve !
Ce que je trouve « choquant », c’est que des gens pensent/écrivent/publient que je suis tenu de faire des DVD. Que penseraient ces personnes si elles découvraient dans la presse ce qu’elles doivent faire ou ne pas faire de leurs affaires ? Si elles y lisaient que quelqu’un leur demande publiquement de brader leur patrimoine ?
- Que cherchez-vous chez un éditeur vidéo ?
Qu’il sache qu’à l’origine, les libraires achetaient des textes, les imprimaient et vendaient les livres. Aujourd’hui les éditeurs lisent les manuscrits, corrigent les fautes, font imprimer, font vendre. Alors je demande : à part rédiger des contrats, en quoi consiste le boulot d’un « éditeur vidéo » ? Dans ces conditions, l’appellation « éditeur » n’est-elle pas un abus de langage ?
Je plaisante ! Je ne cherche rien, ce sont eux qui viennent me voir. Quand j’en ai assez de les entendre me répéter qu’ils sont pauvres et qu’ils trouvent les films de mon père géniaux, je leur demande parfois comment ils comptent répartir les recettes. Leurs réponses me distraient. Le dernier m’a dit qu’il proposait 50/50 sur sa part, mais qu’avant ça il prenait 15% qu’il ne partageait pas. Préférant savourer pleinement cette réponse kaamelottienne, je n’ai pas demandé plus de détail.
- J’ai lu sur votre page facebook que vous dénonciez des contrats d’éditeurs qui s’octroyaient les droits vidéo, télé et salle des films, pour une durée longue (10 ans je crois) alors que vous ne souhaitiez pas vous désaisir des droits de la salle. J’imagine que la réponse des éditeurs doit être que c’est le seul moyen de se rembourser. Que leur répondez-vous ?
Ces producteurs de DVD ne me parlent que de l’édition vidéo et c’est en recevant leur contrat que j’apprends qu’ils ont tout autre chose en tête. Des choses à propos desquelles ils n’ont rien demandé, ne se préoccupant pas de savoir si la distribution en salles est déjà chez quelqu’un, la vente télé chez quelqu’un d’autre. Que répondre à quelqu’un qui n’a rien dit ? Je me contente de ne pas signer.
- On parle là des éditeurs français, mais un éditeur américain du type de Criterion ou Kino ne vous ont-ils pas approchés ?
Criterion m’a contacté en me proposant un prix inférieur à ce que me rapporte annuellement la diffusion dans les salles françaises. Quand je le leur ai fait remarquer, ils ont divisé ce prix par deux.
- Sachant que le milieu de la vidéo est en crise, est-ce que cela influe sur votre décision ?
J’imagine que vous faites allusion à une crise « économique ».
En DVD, les films de mon père ne se vendraient pas exclusivement au moment de leur sortie, mais sur la durée. Aussi la situation économique actuelle n’a pas une si grande importance. Savoir quel sera le support de demain est plus important (mais je n’ai pas la réponse).
- Le piratage doit être un frein à ce travail, sachant que les films ont tendance à circuler, portés par les mythes qu’ils représentent… Est-ce que cela exerce une pression sur vous en tant qu’ayant-droit ?
Je ne peux que répéter ce que j’ai déjà dit dernièrement : je n’ai jamais travaillé pour le gouvernement français, ni pour la grande distribution, aussi je conteste ce mot « piratage ». Le piratage est un vol, le partage n’en est pas un.
Beaucoup de salles de cinéma ont fermé et ont été remplacées par des « écrans » dans des multiplexes (je crois que le nombre d’écrans en France est à peu près le même qu’il y a quarante ans, alors que le nombre de salles a été divisé par… combien ?). Beaucoup de films ne sont plus jamais projetés sur ces écrans déjà numérisés pour 90% d’entre eux. Bientôt, ne pourront plus passer en salle qu’1/10ème des films sortis entre 1930 et 2000 (à peu près la même proportion que le nombre de films muets dont il existe encore des copies argentiques). La question qu’il faudrait poser est : doit-on laisser disparaître les films que la grande distribution considère non rentables ? Ou bien accepter que le web permette aux passionnés de les partager et qu’ainsi ils ne subissent pas le sort du cinéma muet ?
Ces sites de partage devraient-ils être payants ? J’ai entendu dire que l’État français protégeait Dailymotion qui est un site de « piratage » gratuit. Si c’est effectivement le cas, il a clairement choisi son vocabulaire, son camp et sa réponse.
Ceci étant dit, pour répondre à votre question, les films mythiques étant plus une préoccupation de la cinéphilie que de la grande distribution, cette situation me préoccupe plus en tant qu’ex-cinéphile qu’en tant qu’ayant droit.
- Toujours sur le piratage, tentez-vous de contrôler cela et de faire interdire certaines choses ? Comment le fait-on quand on n’est pas Warner ou la Fox ?
On m’a dit qu’il suffisait de quelques clics pour arrêter la diffusion d’un film sur ces sites gratuits. J’ai fait l’expérience. J’ai cliqué. Ça n’a rien changé.
- Avez-vous pensé à devenir vous-même le propre éditeur des films de votre père ?
Sur ce point, le problème est autre. Avez-vous idée de ce que coûte la création et la gestion d’une société d’édition vidéo en France quand on est Français ? Le problème est donc que je ne parle pas de langue étrangère.
Plus sérieusement, je suis ayant droit, pas entrepreneur. En tant que particulier, on n’a pas le droit de louer un film à une salle de cinéma sans passer par une société de distribution. Par contre, on a le droit de vendre un film à la télé. On a aussi le droit de créer des DVD tout seul, mais pas celui de les vendre soi-même et, de ce fait, pas la possibilité d’obtenir d’aide du CNC.
- Avez-vous pensé à faire appel à des méthodes de financement comme le crowdfunding (type Ulule,Kisskissbankbank, Touscoprod, pour n’en citer que quelques-uns) ?
Je ne connais rien de tout ça.
- Il s’agit de faire appel à la participation de particuliers pour financer une édition ou une restauration. Les Demoiselles de Rochefort a ainsi recueilli près de 50000 euros pour restaurer le film en 45 jours (soit deux fois la demande). Pourriez-vous imaginer un tel financement pour restaurer un film de votre père, voire plusieurs ?
Je ne pense pas qu’en tant que particulier je puisse avoir accès à ce genre de financement.
- Avez-vous tenté de voir avec le CNC si ils pouvaient servir de médiateur et de conseil ?
La réponse est non. Mais… médiateur entre qui et quoi ? Et à quel conseil faites-vous allusion ?
- N’ont-ils pas moyen de trouver un moyen de préserver et de trouver un moyen de servir de partie « neutre » lorsqu’un distributeur vous propose un contrat qui selon vous ne vous laisse aucune chance de préserver vos droits ?
Ce qui pose problème ce sont les contrats, pas les personnes. Il ne s’agit pas de préserver « mes droits », mais de l’inacceptable répartition des bénéfices.
Dans la distribution « salles », le coût d’une copie neuve est prélevé sur mes bénéfices, mais ici le distributeur perçoit entre 10 et 25% des gains du film et il est le seul intermédiaire entre la salle et moi.
Dans le système des DVD, on me propose, dans le meilleur des cas, 7,5% du prix de vente, et cette part ne me sera versée qu’une fois qu’elle aura remboursé les frais de fabrication des DVD (sans tenir aucun compte des éventuelles aides perçues, puisque dans les faits aucun compte n’est vérifiable). De plus, les copies numériques (que j’aurais donc payées) ne m’appartiendraient pas.
En gros, la vente d’un peu plus de 1000 coffrets rembourse le coût de fabrication. Mais si seulement ma part – 7,5% de cette somme – est affectée à ce remboursement, je vous laisse faire le calcul du nombre de coffrets qu’il faudrait vendre avant que je perçoive le premier centime. Alors que le distributeur perçoit 50% dès le premier coffret vendu.
Et, pour ne pas être trop long, je vous passe les détails style l’arnaque de la pub : » LE DISTRIBUTEUR TRUC PRÉSENTE le coffret Jean Eustache « , strictement à mes frais.
Croyez-vous que le CNC soit suffisamment « neutre » pour y faire quelque chose ?
- C’est maintenant l’ »éditeur » qui parle. A travers Badlands, nous n’avons pas la force de frappe de plus gros éditeurs français. Pourtant, sur notre première sortie, le premier moyen-métrage de Lucile Hadzihalilovic, nous avons pu apporter un travail d’artisan en interviewant une grande partie de l’équipe, mais aussi bon nombre de cinéastes qui admirent le film, un court-métrage, le scénario original était reproduit, etc. Ce que je veux dire, c’est que nous n’aurions pu sortir le film dans de telles conditions si nous avions dû travailler au sein d’une société moins artisanale. Nous avons à ce titre moins de visibilité qu’un gros éditeur. Est-ce qu’il n’y a pas cette équation qui rentre en jeu : rentabilité contre liberté ?
Sauf cas très particulier, je réponds à tous les producteurs de DVD (éditeurs vidéo) qui s’adressent à moi. Je ne regarde ni leur taille, ni leur poids. De toute façon, ils se présentent tous avec la même phrase : « nous sommes pauvres » (c’est, je crois, la phrase la plus prononcée dans le cinéma français. Ailleurs, il arrive encore que les gens engagent la conversation en disant « bonjour »).
Rentabilité ? Le cinéma français n’a pas à être rentable, il a à être subventionné.
La liberté ? Celle de « l’éditeur » ou bien… ?
- Quels seraient pour vous les suppléments que vous imagineriez dans l’édition idéale des films de votre père ? Avez-vous du matériel dans les affaires de votre père, que ce soient des images filmées, des scénarios, des films inédits, des scènes coupées ?
Pierre Cottrell, le producteur exécutif de La Maman et la putain et de Mes petites amoureuses, a filmé quelques minutes avec une caméra super 8 pendant le tournage du deuxième film. Je n’ai jamais vu ces images. J’imagine qu’elles existent encore.
À ma connaissance, le seul film de mon père inédit après sa mort était Numéro zéro.
Dans l’idéal, les suppléments ne seraient que des suppléments d’époque. Et une interview contemporaine, celle de Jean-Noël Picq, qui durerait le temps de l’interview. Un DVD pour lui tout seul. Ou peut-être deux.
Il y a aussi la scène coupée de La maman et la putain, j’en parle déjà ailleurs.
- Pour la restauration, voilà ce que vous dites au sujet de la diffusion sur Arte il y a quelques jours de La Maman et la Putain (en hommage au décès de Bernadette Laffont) : “La copie numérique est mauvaise (trop contrastée). Elle avait été faite par Jacques le Glou en 1998 qui n’avait pas daigné, contrairement à ce qu’il s’était engagé à faire, contacter Pierre Lhomme pour superviser cette numérisation.” Quelle est l’ampleur de l’état des restaurations à effectuer sur les films de votre père ?
Aux dernières nouvelles (qui datent de la fin des années 1990), les négatifs étaient en bon état.
- Dernière question : je suis rentré en contact avec vous via les réseaux sociaux. Or, une partie de votre réponse m’a intrigué : “Si vous voulez savoir des choses : ce que je pense (mais cela a-t-il de l’importance) ; comment tout ça s’est fait ; ou ce que mon père m’a raconté, ou dit en penser… Voire d’autres choses. Pas de problème.” Pouvez-vous nous en dire plus ?
Si j’avais le courage, l’envie, la mémoire et quelques autres qualités, je pourrais certainement écrire quelques centaines de pages à ce sujet.
Propos recueillis par mail en août 2013 par Sylvain PERRET. Merci à Boris Eustache pour ses réponses.
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