Le bavard (extrait)
"(...) éprouvant subitement une répugnance insurmontable pour la vie en société avec son cortège d'intrigues, de méprisables agitations et de paroles creuses, toute cette chaleur d'étuve qui émanait d'une promiscuité que les sinistres obligations de la vie m'imposaient, je n'aspirais qu'à m'en dégager pour goûter aux bienfaits de l'air pur et du silence, mais je n'avais pas plutôt obéi à ce désir qu'effrayé à la perspective de me trouver désormais privé de tout contact humain et cette peur suffisant à justifier à mes yeux l'abandon d'une position que je persiste pourtant à tenir pour la meilleure, je courais me souiller avec délice au contact du monde, véritable cloaque d'où bientôt, faute de ne pouvoir raisonnablement me fixer et sûr une fois de plus que ma vie était inassociable à celle des autres, je sortais précipitamment en m'ébrouant pour me réfugier de nouveau dans le lieu inviolable auquel j'avais rêvé, et ainsi de suite."
"A mesure que j'avançais dans la vie, mon indifférence allait s'accroissant, rien ne me semblait valoir la peine d'aucun effort, et il en résultait que mon avidité n'était plus dirigée comme autrefois vers des idées de revanche ou de conquête : elle aspirait au contraire à ce qui saurait m'en délivrer. C'est qu'aujourd'hui le fracas des combats me répugne et me lasse, et j'en veux à mort à qui m'arrache de force à mon indifférence. Ne rien entreprendre, veiller, attendre, veiller..."
louis-rené des forêts
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