Deborah de Robertis








credit photo Magalie Delporte
Crédit photo: Magalie Delporte

En l’espace de deux ans, elle est devenue “l’artiste qui se met à poil dans les musées”. Une définition un brin réductrice au vu de la réflexion passionnante que mène Déborah de Robertis, 31 ans, depuis le 29 mai 2014, jour où elle écartât les cuisses au musée d’Orsay, assise par terre sous L’Origine du monde de Courbet.
Le 4 septembre, elle bousculait l’exposition Araki, connu pour ses photos de femmes ligotées selon les règles du Kinbaku (l’art du bondage japonais), au musée des arts asiatiques (dit musée Guimet), à Paris. Comme à chaque fois, Déborah de Robertis a rejoué une œuvre, en l’occurrence le Paysage avec couleurs datant de 1991 qui immortalise une geisha suçant une pastèque, le regard planté dans celui du photographe. Vêtue d’un kimono transparent, De Robertis s’est employée à manger une pastèque coincée au niveau de son entrejambe.
On retrouve la performeuse provoc’ née au Luxembourg de père italien et de mère française, passée par l’Ecole de recherche graphique de Bruxelles, dans un café au lendemain de la performance : grands yeux bleus, bouche soigneusement dessinée de rouge, cheveux relevés, toute de noir vêtue, sirotant un capuccino. A l’aise mais pas trop. Presque discrète, pudique. Peu importe, c’est son discours qui prédomine, celui d’une artiste de 2016.
Pourquoi avoir ciblé l’expo d’Araki ?
Déborah de Robertis – Le principe de ma démarche est de m’inviter, d’imposer mon travail à l’intérieur des institutions. En tant que femme et artiste c’est difficile de se faire reconnaître. Or, je ne compte pas attendre sur le trottoir qu’un directeur de musée accepte de reconnaître mon travail. Je souhaite prendre ma place à l’intérieur de l’institution en tant que femme artiste. C’est une façon de renverser les rapports de pouvoir. Quant à Araki, je l’ai choisi parce que je m’intéresse aux expos qui traitent du nu féminin. Ce qui est drôle c’est que les gens pensent de plus en plus que mes performances font partie des expos, ça a encore été le cas avec Araki. C’est surement parce que je les prépare soigneusement avant. Je vais voir l’expo, je me documente, je fais une recherche de couleurs…
Pourquoi ne pas demander une autorisation ?
Ça voudrait dire que je reconnais l’institution en tant que telle, que je lui accorde le droit de valider mon travail. Moi, je préfère les laisser libre d’accepter, de rejeter, de porter plainte. La réaction de l’institution m’intéresse. Je ne pense pas qu’en demandant les autorisations je puisse garder ma liberté. Je veux pouvoir m’exprimer comme je l’entends. Je souhaite bousculer le système hiérarchique, poser la question de la reconnaissance. J’aurais pu utiliser des statistiques pour dénoncer le manque d’artistes femmes dans le milieu, mais j’ai choisi de m’inscrire ailleurs, de prendre ma place dans les institutions.
Mènes-tu une critique des œuvres que tu cibles ?
Ça dépend des œuvres. Pour L’Olympia de Manet à Orsay j’étais très critique, là je ne sais pas. Ce qui m’intéresse c’est d’abord de critiquer les institutions, ensuite je m’inspire de l’œuvre que j’ai choisie. Dans ce cas-ci, le catalogue de l’exposition expliquait que les modèles d’Araki avaient un regard neutre, n’exprimaient ni extase ni souffrance, alors que lorsque j’ai vu l’expo j’ai justement eu l’impression d’être regardée par les modèles, par leur nudité et leur regard qui étaient très intenses. Dans ma réinterprétation, le modèle n’est plus surpris dans son intimité, c’est lui qui surprend le spectateur via la caméra que j’avais sur le front. Le dispositif est inversé, c’est moi en tant que modèle qui surprend le spectateur en train de regarder quelque chose, qui le surprend dans l’intimité de son regard.
C’est donc la question de la réification du corps féminin qui est au cœur de ton travail ?
Je vais simplement sortir le modèle de cette positon d’objet. C’est peut-être l’ultime liberté que j’ai, d’agir, de sortir le modèle de sa position d’objet en agissant directement à l’intérieur des institutions dites “importantes”. Je suis à l’endroit où ça doit changer. Je pourrais faire une reproduction de l’œuvre dans ma chambre ou dans un studio mais le lieu est trop important. C’est là que je dois le faire. Ce que je trouve sexiste c’est la façon dont les institutions présentent les œuvres. D’où la question du regard. Quand il y avait eu l’exposition “Splendeurs et misères, Images de la prostitution 1850-1910” à Orsay, c’est surtout la façon dont l’institution présentait la nudité féminine qui me dérangeait.
Tes performances semblent également parler de la sexualité active et non plus passive des femmes…
C’est très juste. C’est l’un des angles importants de la performance. Dans la photo d’Araki, la pastèque est un sexe d’homme, elle renvoie à la fellation. Dans ma photo c’est un sexe de femme. Je prends la liberté de jouir physiquement, intellectuellement pendant la performance. J’impose ma jouissance au regard de tous, ma jouissance de femme. La question se renverse alors ! Est-ce que si cette sexualité est reprise à mon compte, que ce regard est renversé, est ce que cette liberté-là pourrait être institutionnalisée ?
Comment a réagi le musée Guimet ?
Ils ont évacué tout le musée, ils ont mis un périmètre de sécurité autour de moi. Et ils ont laissé la pastèque ensuite comme s’il s’agissait des traces d’un crime. C’était étrange. La pièce était vide avec la pastèque déchiquetée au milieu, qu’on regardait tous, les flics et moi. Je n’ai pas fait de garde à vue. La direction doit décider si elle porte plainte ou non. Pour Bettina Rheims j’ai fait de la garde à vue. Je devais comparaître mais j’ai posté une vidéo en expliquant que je ne comparaîtrai pas. Il va surement y avoir un jugement… je ne connais pas les termes juridiques exacts.

                            
                            “Paysage avec go-pro” (copyright Deborah De Robertis/photo Guillaume Belvèze)

 Tu y es pourtant de plus en plus confrontée. Qu’en penses-tu d’ailleurs ?

Je le conteste mais ça fait bien entendu partie de l’œuvre. Je veux parler du monde dans lequel on vit donc j’intègre ses réactions dans la performance. Elles sont symptomatiques de nos mœurs, de notre société. Je défends ma position publiquement, je refais d’ailleurs des performances afin de repréciser ma position jusqu’à ce que ça marche.
Tu es à mi-chemin entre l’œuvre artistique et la démarche militante féministe et donc politique, comment te vois-tu ?
Je me vois comme une artiste mais je pense que le fait d’être artiste, exige de militer pour pouvoir être reconnue comme tel donc c’est indissociable. La façon dont je fais mon travail ne me donne pas d’autres choix que de me battre pour avoir cette place-là, pour imposer une esthétique. Et je suis face à une décrédibilisation. On me colle le stéréotype de la fille idiote, qui se met nue… Quand les directeurs de musée disent “ça a déjà été fait” ou “elle devrait faire ça ailleurs”, c’est pour moi une façon de décrédibiliser ma démarche, de nier mon point de vue.
Comment t’es venue l’idée de la première performance à Orsay en 2014 avec L’Origine du monde de Courbet ?
C’était plus fort que moi. C’était un cri, ce n’était même pas une idée. Je ne me suis pas dit: “Tiens je vais faire ça”, je me suis dit : “C’est ça que je dois faire”. Ça vient peut-être du fait que dans tout mon parcours je me suis toujours demandé : “Comment peutu crier le plus fort possible pour faire exister ton point de vue ?” C’était avec L’Origine du monde bien entendu !
Je me suis demandé qui était cette femme qui avait posé, et j’ai pensé que je devais apporter tout ce qu’on ne voyait pas dans le tableau. Aujourd’hui “L’Origine du monde”, c’est une femme en chair et en os avec un regard dirigé sur le monde et non pas un regard dirigé sur elle, celui qu’on connaît par cœur, celui véhiculé dans les magazines, dans les pubs etc. Je me suis aussi dit qu’on ne voyait pas le sexe, qu’il était fermé et qu’il fallait donc qu’on en voit l’intérieur [dans sa performance, Déborah de Robertis écartait ses lèvres pour exposer son sexe, ndlr] Pourquoi dans le porno mainstream, serait-il normal de le montrer et pas dans ce cadre-là ? Alors que c’est magnifique, ça aussi c’est la beauté ! Je voulais l’imposer en tant que tel, montrer une femme qui prend position, qui soit actrice et non plus simplement sujet.
Valie Export t’a-t-elle influencée ?
Je ne pourrais pas nier le lien. Les images m’ont marquée, elles sont très fortes, elles font partie de mon imaginaire. Tu les vois une fois et tu ne les oublies jamais. Je citerais aussi Andrea Fraser qui a couché avec un collectionneur et a filmé la performance. Elle a inversé le rapport de pouvoir selon moi. Ce sont des femmes comme elles qui ont ouvert certaines portes et m’ont permis de m’exprimer.
Pourquoi expliques-tu tant beaucoup ta démarche ? La performance ne pourrait-elle pas parler d’elle-même ?
Je me suis rendue compte que j’avais une voix. Dans un monde idéal, l’œuvre aurait surement parlé d’elle-même bien sûr. Je n’en ressens pas personnellement le besoin mais je pense que c‘est nécessaire et que si je ne prends pas la parole on la prendra pour moi et je serai de nouveau l’objet des regards, notamment masculins, car le monde de l’art est toujours dirigé par le regard masculin. Cela dit, au-delà des questions de genres, je souhaite me définir en tant qu’artiste. Je pose surtout la question du pouvoir, de la hiérarchie, qui s’avère, de fait, être souvent masculine… La parole est importante, nécessaire car je ne veux pas être replacée en tant que sujet, en tant qu’objet, que modèle de publicité, comme si j’avais posé pour quelqu’un d’autre. D’ailleurs, la première question qu’on m’a posée sur la performance autour de L’Origine du monde c’est : “Qui a pris la photo ?” Beaucoup ont immédiatement pensé que j’étais le modèle d’un homme photographe qui m’avait demandé de poser. Je me suis donc battue avec mes photographes pour ne pas mettre leur nom sur certaines photos autour de L’Origine du monde, par peur qu’on me destitue en trois secondes et demie.
Bettina Rheims est une artiste femme qui photographie majoritairement des femmes, pourquoi t’attaquer à elle ?
L’œuvre que j’ai choisie (une photo de Monica Bellucci renversant du ketchup sur une assiette de spaghettis, un doigt dans la bouche, l’air sensuel, ndlr) me semble stéréotypée, pas différente d’une pub. J’ai trouvé ça étrange qu’elle soit exposée dans une institution. Je me suis demandé si on en était encore à ce type de représentation. Je me suis dit que j’allais apporter quelque chose de nouveau à notre époque, à cette exposition, aller au bout de ce geste que Monica Bellucci esquisse. Quitte à le suggérer, pourquoi ne pas le faire ? Il y avait quelque chose de trop “gentil”… Je voulais tout faire exploser avec du ketchup. Ce qui est important pour moi c’est de m’inscrire dans l’exposition. On m’a rapporté que Bettina Rheims aurait trouvé cela “amusant”. Il vaut mieux ne rien dire si c’est pour dire ça !
As-tu d’autres influences ?
Pina Bausch ! Elle parle du rapport au corps, du pouvoir, du sexe, de la question des hommes et des femmes… ça m’inspirera toujours. Michael Jackson aussi, beaucoup, pour sa transgression. Une Sale histoire de Jean Eustache, également. C’est une histoire de voyeurisme, un homme qui raconte son rapport au sexe des femmes, comment il les suit pour les regarder. Son humiliation, sa position d’objet au final m’avait beaucoup interpellée. C’est un renversement de points de vue : on croit que c’est le sexe de la femme qui est objet alors que c’est aussi cet homme qui est humilié, qui est mis en objet par le sexe de la femme…
Que penses-tu des positions féministes de Kim Kardashian, ou Beyoncé qui se réapproprient leurs corps dans l’espace public, en font une arme ?
Je les soutiens. Ok on peut porter des critiques, par exemple je suis plus sensible à la radicalité de M.I.A qu’à Beyoncé mais je comprends l’incarnation par Beyoncé d’une puissance féminine très forte. Nicki Minaj de même. Je ne les trouve pas objets, ni produits de quoi que ce soit. Je trouve ça facile comme mécanisme de dire qu’elles sont manipulées… Cela étant dit, je préfère Rihanna à Beyoncé, elle dégage une virilité, quelque chose de transgressif. Ça reste très commercial mais ça me parle plus. Il y a une affirmation forte chez Rihanna. Le clip de Pour It Up par exemple avait fait un énorme buzz parce que les filles étaient sexy, dénudées. Alors qu’en fait, il transgressait parce que Rihanna prenait la position habituellement occupée par l’homme…
Pour It Up parodie les clips de rap masculins…
Exactement. Et qu’elle se moque ou pas, elle prend la place de l’homme. Elle incarne un mac dans ce clip. Elle a l’argent, le pouvoir. Elle m’a même inspirée pour ma performance à Amsterdam, où j’avais repris le modèle de l’affiche de l’expo sur la prostitution, et je lui avais mis de l’argent dans les mains. C’est très important l’argent, c’est un symbole de pouvoir. Dans son clip c’est Rihanna la boss. Et peu de gens l’ont compris tout bonnement parce qu’elle est sexy, dénudée, et que c’est une femme…
Comment vois-tu l’avenir de tes performances ? N’as-tu pas peur qu’elles s’essoufflent ?
J’ai peur de m’essouffler moi ! Je ressens une certaine colère et je l’exprime. Ça ne s’essoufflera pas si moi aussi j’évolue, si je propose de nouvelles performances. Je cherche d’ailleurs une galerie, même si certains trouvent ça contradictoire…
Beaucoup d’artistes s’intéressent à la représentation du sexe féminin actuellement, comme Stéphanie Sarley qui “doigte” des fruits dans des vidéos sur Instagram. D’ailleurs, beaucoup se font connaître via Instagram. Vois-tu ça comme l’émergence d’un courant ?
J’espère que c’est un courant ! Je pense surtout que beaucoup de femmes parlent de beaucoup de choses et qu’on ne les connaît pas. Quant à Instagram oui je suis d’accord ça fait émerger des artistes. Les médias sont très importants dans mon travail. C’est une façon de passer au-dessus des galeries, du marché de l’art, de tous ces trucs de décision. Ce n’est pas anodin que ça passe par là. Quand tu traites de certains sujets, comme le sexe, c’est toujours difficile à imposer, surtout en tant qu’artiste femme. Ma performance autour de L’Origine du monde par exemple a énormément circulé, et a été complètement ignorée dans le monde de l’art. On ne prend pas ça au sérieux. On va parler du scandale du vagin d’Anish Kapoor mais pas de ma performance, ou du moins on va en parler mais comme d’un divertissement à côté de l’art, comme d’une femme un peu folle qui est venue montrer son sexe pour racoler, pour se faire de la pub… Je me fiche que les critiques soient négatives ou positives, je veux juste qu’on prenne ça au sérieux.






Le personnel du Musée d'Orsay a tenté de dissimuler et d'interrompre l'action de l'artiste Déborah de Robertis devant L'Origine du Monde.

 

Nue devant L'Origine du Monde : les explications de l'artiste

Publié

Deborah de Robertis a exposé son sexe devant le tableau de Gustave Courbet au musée d'Orsay le 29 mai. Une action «réfléchie» loin de l'exhibitionnisme, selon l'artiste.
Sa prestation n'en finit pas d'intriguer. L'artiste Deborah de Robertis a surpris le musée d'Orsay et son public, jeudi 29 mai, en venant dévoiler son anatomie devant L'Origine du Monde de Gustave Courbet. Ce tableau de 1866 représente lui-même un sexe de femme et est présenté par l'établissement depuis 1995. La performance, intitulée Miroir de l'Origine, a valu à la plasticienne luxembourgeoise d'être emmenée par les policiers.
Deborah de Robertis refuse l'accusation d'exhibitionnisme. «Si l'on fait abstraction du contexte, on pourrait réduire cette performance à un acte exhibitionniste. Mais ce que j'ai fait n'est pas un acte impulsif», assure-t-elle au Luxemburger Wort . Cet acte était au contraire «très pensé». Elle affirme d'ailleurs au journal Le Monde être «déjà venue au Musée d'Orsay, il y a environ un mois», pour se faire prendre en photo «sans avoir été vue». «J'agis de manière très naturelle, ce qui fait que même quand il y a des gardiens ils ne disent parfois rien.»
Au cours de son action le 29 mai, le personnel du musée a tenté d'interrompre la plasticienne en lui demandant de partir. Avant de se poster devant elle pour tenter de la cacher des yeux du public. «Je suis étonnée car personne ne m'a touchée», confie l'artiste au site Francetvinfo. La police est ensuite intervenue, dans le calme. Un policier l'aurait interrogée sur la violence potentielle de la scène pour des enfants. «C'est l'intervention de l'autorité qui peut la rendre violente, pas ma prise de position», juge-t-elle, défendant une «œuvre d'art réfléchie».

«Vous auriez dû la remercier»

Deborah de Robertis raconte également avoir rencontré le directeur du musée, avant d'être emmenée au commissariat. «Vous auriez dû la remercier», aurait-il répondu aux policiers qui lui expliquaient ce qui s'était passé. En serrant la main de l'artiste, il lui aurait demandé pourquoi elle n'avait «pas sollicité d'autorisation». Deborah de Robertis de répondre avec humour: «Je n'ai pas répondu à sa question, mais je lui ai suggéré de m'inviter pour une prochaine fois.»
Une vidéo de l'événement tournée lors de l'événement, d'abord supprimée sur YouTube, a été republiée sur Dailymotion. Quant au tableau sulfureux et source de tant d'émotions, il vient de quitter sa salle habituelle pour être exposé à Ornans dans le Doubs, ville natale de Gustave Courbet. De quoi laisser un peu de répit à Orsay loin de cette œuvre intrigante, la plus consultée du site du musée.
Blandine Le Caim

                          

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LE PLUS. Dans une vidéo qui a beaucoup circulé, l'artiste Deborah de Robertis montre son sexe devant le tableau de Gustave Courbet, l'"Origine du Monde". Qu'a voulu créer la Luxembourgeoise avec ce geste au Musée d'Orsay ? Comment explique-t-elle que sa performance ait tant fait réagir ? Témoignage.


 Déborah de Gubernatis expose son sexe devant "l'Origine du Monde" de Gustave Courbet, au Musée d'Orsay, le 29 mai 2014. (Capture d'écran)
Deborah de Robertis pose devant "l'Origine du Monde" de Gustave Courbet, au Musée d'Orsay, le 29 mai 2014. (Capture d'écran)

Toutes les réponses données au médias ne parleront jamais mieux de ma démarche qu’une exposition. Les vraies réponses ne se trouvent pas dans ma bouche mais dans l’image et dans la création.

Mon geste au musée d’Orsay s’inscrit dans la continuité d’une démarche que je mène depuis au moins dix ans et plus précisément, elle s’inscrit dans une série de photos que j’ai débutée il y a un an. Cette série s’appelle "Mémoire de l’Origine". Sur toutes ou presque, je porte la même robe dorée qui renvoie au cadre du tableau de "l’Origine du monde" de Gustave Courbet.



Mon travail photographique et vidéo n’est pas sur internet. En ce qui concerne la vidéo qui circule, je veux en faire une édition limitée et la montrer lors d’une exposition de mon travail. Cette pose sous l’origine du monde est le prisme par lequel l’ensemble de mon travail doit être vu, d’où la décision de rendre publique cette prise de position au Musée d’Orsay.

J'avais déjà posé sous le tableau

Il faut savoir que pour la série "Mémoire de l’Origine", j’ai déjà fait une photo sous le tableau de Gustave Courbet au Musée d’Orsay bien avant le 29 mai.

Je suis la seule qui détiens la photo originale de ma pose sous le tableau. Cette photo reflète mon point de vue et non celui du spectateur, elle est très différente de ce qui circule sur internet.

Cette photo est la seule qui ait une valeur en tant qu’œuvre photographique et ne sera dévoilée que lors d’une exposition officielle. Les images qui circulent sur internet sont des copies en basse définition de la photo originale.

Je suis tellement naturelle qu’on ne me voit pas

Je trouve magnifique l’idée que d’un seul geste, le monde se mette en branle. C’est pour ça que j’ai choisi d’en faire ma signature. Tous, des gardiens au médias, tous se sont mis en mouvement et sont les reflets du "miroir de l’Origine".

Quand je parle de l’œil du sexe, je ne dis pas que le sexe est un œil, mais qu’il symbolise cet œil absent dans le tableau de Courbet. Je dis aussi que moi, Deborah de Robertis, je regarde par le sexe.

Dans tout mon travail, je me mets dans la position de l’objet du regard. Je "deviens le tableau" et je regarde les gens en train de regarder. Le but n’est pas de dévoiler ce que je vois, mais de rendre visible ce point de vue invisible. C’est pour cela que je montre symboliquement l’intérieur du sexe : il a la forme du monde.

Ce que je ressens au fond de moi est de l’ordre de l’intime, c’est mon secret. Ce qui importe est que j’incarne le miroir inversé, c’est à dire que je dévoile "le hors-champ" du tableau. En invitant les gens à poser sur cette peinture un regard neuf, je collabore avec un homme : Gustave Courbet.

Je prends symboliquement la place de toutes les femmes

La place des hommes dans mon travail est omniprésente. Je prends symboliquement la place de toutes les femmes et en même temps, je pose mon regard sur tous les hommes.

Mon travail vidéo, comme par exemple "Les hommes de l’art" ou "Jeune modèle cherche artistes" sont des films dans lesquels je raconte la nudité féminine à travers le regard mis à nu des hommes. Ils sont l’objet de mon désir, mes sujets et mes alter-egos. En les filmant, je leurs tends un miroir.

Dans ma performance "Miroir de l’Origine" je collabore avec Gustave Courbet. En explosant le cadre et en redonnant vie à l’origine du monde, je donne au modèle un statut d’artiste. À travers ce renversement, je questionne :

"Qui est le dominant, qui est le dominé ? Qui est le maître et qui est l’élève ? Qui est la copie,qui est l’originale ? Qui est l’artiste, qui est le modèle ? Qui est l’objet, qui est le spectateur ? Qui est le regardant, qui est le regardé ?"

Il y a une part d’inconnu inévitable dans une telle intervention et je m’étais préparée à toutes les éventualités. Ma technique consiste à abandonner toute idée de maîtrise. Je travaille beaucoup pour que cette pose, jambes écartées, soit parfaitement naturelle pour moi. Je travaille aussi la position et la tenue du corps.

Dès que j’enlève ma veste, je n’ai plus peur.

Je suis devenue spectatrice

Ce qui m’a frappée dans cette scène, c’est qu’il y a eu un transfert. En prenant place sous le tableau, j’ai provoqué une inversion du point de vue. Je suis devenue spectatrice de tous ces gens qui me regardaient. Je ne voyais pas mon sexe, je voyais leurs visages devant mon sexe. Tout s’est mis en mouvement autour de moi. C’était un ballet.

Tous ont joué un rôle, ils sont devenus les acteurs du "Miroir de l’Origine". La femme qui s’est mise devant moi pour me cacher, comme pour jeter un voile sur le tableau, comme si elle avait recréé l’époque où il faisait scandale.

Les gardiens auraient pu choisir de me sortir, mais c’est le public qui a été contraint. Les spectateurs ont été touchés par les gardiens mais moi, dans ma pose, aucun gardien ne m’a touchée.

En évacuant la salle et en respectant "leurs règles", ils ont sacralisé ma pose.

Mes influences sont Michael Jackson et la Vierge

La bande son de la performance est à la fois une énigme, une incantation, une question, une déclaration, une prière adressée à l’univers :

"Je suis l’origine, je suis toutes les femmes, tu ne m’as pas vue, je veux que tu me reconnaisses" ; "vierge comme l’eau créatrice du sperme"

Les deux dernières phrases sont issues d’une citation d’un livre intitulé "Mémoire du vent" d’Adonis .

Dans ma performance, le jour de l’Ascension au musée d’Orsay, la bande son sur le "Ave Maria" émanait de mon corps pour questionner :

Qu’est ce qu’être vierge si le sperme est pur comme l’eau ? Qu’est ce qu’être vierge si l’on considère que le sperme est aussi créé par la femme ? Qu’est qu’être vierge, si l’on considère que le sperme est créé par la vierge elle-même ?

En partant du tableau de Gustave Courbet, je prends symboliquement la pose de toutes les femmes, y compris de la Vierge Marie. En la projetant dans le tableau sans identité de l’origine du monde, je lui redonne un sexe.

Tout comme la Vierge, Michael Jackson est une figure universelle : tout, de sa musique à sa transformation physique. Chez Michael Jackson, il n’y plus aucune frontière entre l’unicité et l’universalité : le monde entier à pu se projeter dans son visage "blanc, noir, homme, femme, adulte et enfant".

Michael Jackson a sublimé un geste qui aurait pu être considéré comme "exhibitionniste". Il en a fait sa signature universelle et emblématique qui a été imitée et reprise par toutes les générations. Son geste est allé bien au delà du caractère sexuel pour devenir un symbole. La seule arme de Michael Jackson a toujours été la beauté.

Mon geste n'est ni transgressif, ni exhibitionniste

J’ai choisi comme contexte le musée pour donner un cadre à mon geste et pour souligner que, dans un musée, la nudité n’est pas une transgression.

Ma pose dans ce contexte est non seulement légitime mais aussi légale. Je pose sans me cacher, car ce n’est pas un acte exhibitionniste. L’exhibitionnisme n’est pas un acte de création. Mon travail résulte d’un ensemble de choix : du maquillage au décor, de la date au costume. Mon geste public n’a rien à voir avec ma vie intime. Une démarche, c’est l’inverse d'un acte exhibitionniste.

Face à la surexposition du sexe dans notre société, mon geste frontal n’a rien de transgressif. Il s’agit la d’un simple déplacement. La transgression ne fait pas partie de mon travail, elle se passe chez l’autre.

Tout le monde me pose cette question mais, moi, je ne me la pose jamais. La seule chose qui m’intéresse, c’est d’aller au bout de mon geste pour en extraire ce qu’il y a de plus beau.


Propos recueillis par Louise Pothier.




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Deborah de Robertis remet ça au musée Van Gogh à Amsterdam


Deborah de Robertis a réalisé une nouvelle performance dénudée au musée Van Gogh. (Copyright Deborah De Robertis / photo : Simon Guillemin)
Deborah de Robertis a réalisé une nouvelle performance dénudée au musée Van Gogh. (Copyright Deborah De Robertis / photo : Simon Guillemin)

L’artiste luxembourgeoise Deborah de Robertis a remis le couvert le 19 juin dernier en réalisant une nouvelle « performance » dénudée au musée Van Gogh, à Amsterdam, dans le cadre d’une exposition sur la prostitution. La police est intervenue, mais aucune plainte n’a été déposée.

Sur le même mode que ses précédentes performances au musée d’Orsay et à la Maison de la photographie, Deborah de Robertis a cette fois choisi le musée Van Gogh, à Amsterdam, comme lieu d’expression, dans le cadre de l’exposition « Easy Virtue » réalisée avec le musée d’Orsay et montrée récemment à Paris sous le titre « Splendeurs et misères. Images de la prostitution, 1850-1910 ».
Le 19 juin, elle s’est invitée au dernier jour de l’exposition en réinterprétant le modèle du tableau « The Gallien Girl », signé Frantisek Kupka et figurant à l’expo. Habillée en fille de joie, seins nus et « postiche » sur le sexe, vêtue d’une simple guêpière en dentelle rouge, la Luxembourgeoise s’est ainsi placée devant un lit de prostituée présenté à l’expo et a commencé à se trémousser en lançant de faux billets de banque. La scène a été filmée et montée en vidéo avec la voix de Deborah de Robertis répétant « fuck my money » avec une voix suave.
L’objectif étant de « réinterpréter » le teaser vidéo de l’exposition, dans une version plus « hot ». L’artiste explique ce lancer « viril » de billets : « Ce geste dit : les putes c’est vous. Par ce geste, je renverse le rapport entre la prostituée et son client et je critique le modèle du marché de l’art. (…) Au travers mon corps nu,  je pose la question : l’institution est-elle capable d’accepter le regard d’une nudité qui prend position en dehors du cadre établi ? »
Le teaser vidéo officiel du musée : 



La version « hot » de Deborah de Robertis :



Et Deborah de Robertis de s’en prendre aux concepteurs de l’exposition : « Dans leur volonté de renvoyer une image de femme émancipée, ils ne font finalement que reproduire des stéréotypes. En effet rien de contemporain dans le regard qu’ils portent sur les femmes. Vu la grande similitude de leur teaser avec le concept de mon travail qui fait revivre les modèles, je me suis sentie concernée et j’ai décidé de leur proposer un version moins poussiéreuse que leur teaser. »
La réinterprétation du tableau "The Gallien Girl" par Deborah de Robertis. (Copyright Deborah De Robertis / photo : Simon Guillemin

La réinterprétation du tableau « The Gallien Girl » par Deborah de Robertis. (Copyright Deborah De Robertis / photo : Vivien Deuleuze)

Le tableau "The Gallien Girl", de Frantisek Kupka.
Le tableau « The Gallien Girl », de Frantisek Kupka.
Les vigiles du musée puis les policiers sont intervenus. Une intervention que Deborah de Robertis a jugée trop musclée, les gardes s’en prenant également au public indistinctement et sans ménagement, selon elle, afin de vider l’étage.
Aucune plainte n’aurait été déposée toutefois, selon Deborah de Robertis : « Je dénonce le fait qu’ils camouflent leur censure en ne portant pas plainte contre moi. La rigidité de le leur réaction pendant ma prestation démontre la pensée stratégique de la direction du musée. Ils veulent étouffer mon geste pour conserver une image d’émancipation qui met en avant des expositions abordant la nudité féminine. En vérité, cela n’est qu’une façade. Leur position est totalement conservatrice et contradictoire. L’institution du musée Van Gogh à eu une réaction surdimensionnée et bien plus violente qu’en France où les conséquences judiciaires ont été bien plus lourdes. »
Après avoir exposé sa nudité devant « L’Origine du monde » puis « L’Olympia » au musée d’Orsay, Deborah de Robertis se réjouit d’avoir « porté un troisième coup » à l’institution culturelle parisienne. Fin mars, elle avait réalisé une autre « performance » en s’enduisant la poitrine de ketchup dans le cadre de la rétrospective Bettina Rheims, à la Maison Européenne de la Photographie (MEP) à Paris.
Le Quotidien
Deborah de Robertis a été interrompue par les vigiles du musée. (Vivien Deuleuze
Deborah de Robertis a été interrompue par les vigiles du musée. (Copyright Deborah De Robertis / photo : Simon Guillemin)

(Copyright Deborah De Robertis / photo : Simon Guillemin )
(Copyright Deborah De Robertis / photo : Simon Guillemin )

 

Après Orsay, le musée Guimet évacué après une performance de Deborah de Robertis

NUE ET CULOTTEE Connue pour avoir exhibé son sexe devant « L’Origine du monde » de Courbet, l’artiste luxembourgeoise vient de récidiver au musée Guimet…








L'artiste Déborah de Robertis a mené une nouvelle performance choc au Musée Guimet, le 4 septembre 2016.
L'artiste Déborah de Robertis a mené une nouvelle performance choc au Musée Guimet, le 4 septembre 2016. - Déborah de Robertis

C’est la fin d’après-midi au musée national des arts asiatiques. La foule est venue nombreuse en ce dimanche pour le dernier jour de l’exposition Araki. Un photographe japonais mondialement connu pour ses portraits de femmes ligotées selon les règles ancestrales du Kinbaku.
Soudain, un râle de plaisir brise le silence feutré du musée. Une femme s’est assise devant un mur de photographies. Nue, vêtue d’un seul kimono transparent. Elle laisse entrevoir entre ses cuisses écartées une pastèque qu’elle dévore goulûment en en faisant couler le jus sur sa poitrine. Sur son front, une caméra GoPro fixe le public médusé.


Un hommage à une photographie de Nobuyoshi Araki

Un ange passe… et soudain les applaudissements s’élèvent, attirant d’autres visiteurs. Au grand dam des agents de sécurité qui affluent pour stopper cette performance imprévue.
Son nom est Deborah de Robertis. Connue pour avoir exposé son intimité devant L’Origine du monde et L’Olympia au musée d’Orsay, l’artiste luxembourgeoise vient de récidiver dans un hommage à la photographie «  Paysages avec couleurs, 1991 » du maître japonais.
Les flashs crépitent et de nouvelles ovations s’élèvent parmi la foule. Tout ce petit monde se fait néanmoins refouler au bout de quelques minutes tandis qu’on annonce la fermeture du musée, un quart d’heure en avance sur l’horaire officiel. Deborah se fait, elle, embarquer par la police.

« C’était une performance ? »

Les visiteurs s’ébrouent dans la dernière salle de l’exposition, entre les diaporamas de geishas nues et les photographies géantes bariolées de peinture. Sans comprendre réellement ce qui vient de se passer : « C’était une performance ? J’ai cru que c’était organisé par le musée », confie Lola qui a été témoin de la scène. « C’est dommage qu’ils aient interrompu, c’était vraiment tout à fait dans l’esprit de l’exposition ».
« J’ai trouvé ça super fort, vraiment bien pensé », commente Luca, un touriste Italien. « C’était très sexuel sa façon de manger le fruit. J’aimerais voir d’aussi belles performances plus souvent dans les musées », ajoute sa femme Tiziana.
Un avis que ne partage pas Hélène, une retraitée habituée du musée. « Elle cherche à se faire repérer pour se lancer dans le porno, ou quoi ? Moi je n’appelle pas ça une artiste ! »

L’artiste interroge dans ses performances notre rapport à la nudité

Ce que Deborah revendique pourtant. L’artiste interroge dans ses performances notre rapport à la nudité. Un sujet tiraillé entre sa glorification par la publicité et l’art et son déni dans le monde réel. Deux univers qui se sont percutés durant les quelques minutes de sa performance au musée Guimet.
Jean-Jacques Valette

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Ketchup et garde à vue : Deborah de Robertis se dénude à nouveau à Paris


Deborah de Robertis a livré un nouvel épisode de sa conception de l'art vivant, réinterprétant une photo de Monica Bellucci signée Bettina Rheims. (photos DR)
Deborah de Robertis a livré un nouvel épisode de sa conception de l'art vivant, réinterprétant une photo de Monica Bellucci signée Bettina Rheims. (photos DR)

Après avoir exposé sa nudité devant L’Origine du monde et L’Olympia au musée d’Orsay, l’artiste luxembourgeoise Deborah de Robertis a remis le couvert en ce dimanche de Pâques, s’enduisant la poitrine de ketchup dans le cadre de la rétrospective Bettina Rheims, à la Maison Européenne de la Photographie (MEP) à Paris. Une « performance » qui lui a valu une nouvelle fois 24 heures de garde à vue pour exhibition sexuelle.

Le cliché de Monica Bellucci, réalisé par Bettina Rheims.
Le cliché de Monica Bellucci, réalisé par Bettina Rheims.
Dimanche après-midi, l’artiste luxembourgeoise a livré un nouvel épisode de sa conception de l’art vivant. Après avoir posé nue devant L’Origine du monde de Gustave Courbet le 29 mai 2014, puis devant L’Olympia d’Édouard Manet le 16 janvier dernier, la Luxembourgeoise a cette fois choisi de se mettre en scène devant une photo de Bettina Rheims,  en l’occurrence un cliché montrant une Monica Bellucci lascive dans une robe de cuir rouge, renversant du ketchup sur une assiette de spaghetti.
«J’ai choisi cette photo car il m’a semblé qu’elle reproduisait tous les codes publicitaires actuels de manière littérale. Dans ma performance, je réinterprète cette photo en mettant l’institution au service de ma nudité», explique Deborah De Robertis au site brain-magazine.fr.
Postée devant la photo, la Luxembourgeoise ouvre sa robe rouge en skaï et s’enduit langoureusement le corps de ketchup, les seins couverts de simples cache-tétons, dévoilant son string à quatre pattes sur le sol, dans des positions évocatrices, « devant un public complice convié pour l’occasion », raconte le magazine Brain.
photo DR
photo DR
Un clip montre la scène avec la voix de la Luxembourgeoise scandant en boucle «I Want You To Lick My Ketchup» (certaines images peuvent heurter le jeune public) :




L’objectif de ce happening ? « Exploser les codes des institutions culturelles », explique Deborah de Robertis au magazine Brain. «Bettina Rheims travaille sur le modèle féminin en tant que photographe, moi je travaille sur la perception de ce modèle mais en tant que performeuse. J’ai voulu montrer une certaine violence liée à l’exposition du corps nu féminin dans l’espace public. Pour connaître cette tension, il faut prendre la position symbolique du modèle nu. Il faut donc être du côté de celle qui s’expose et non de celle qui expose.»
« Je refuse d’attendre comme une pute sur le trottoir »
Deborah de Robertis a rapidement fait l’objet d’une intervention – musclée – des vigiles de la Maison européenne de la photographie (MEP), avant d’être embarquée par des policiers. Cité par Brain, son avocat, Tewfik Bouzenoune, invoque « la liberté d’expression artistique » : « Matériellement, il n’y a pas d’exhibition sexuelle. Son sexe n’est pas visible. » Et d’ajouter : « En plus, les faits se sont déroulés dans un musée qui signalait que les photos exposées étaient de nature sexuellement explicite. » Après 24 heures de garde à vue, l’affaire se règlera au tribunal le 24 mai prochain.
Son « show » devant L’Olympia de Manet lui avait valu 48 heures de garde à vue et un rappel à la loi.
Deborah de Robertis entend poursuivre ses happenings,  pour contester «le système hiérarchique du monde de l’art. Je refuse d’attendre comme une pute sur le trottoir qu’un directeur de musée veuille bien reconnaître mon travail. De fait, ce n’est pas anodin que les artistes femmes soient aussi peu présentes dans le monde de l’art que dans le monde politique.»
En septembre 2015, une exposition de Deborah de Robertis avait été annulée de façon unilatérale par la direction du Casino de Luxembourg, qui avait justifié sa décision par des problèmes d’entente.
Le Quotidien / S.A.
photo DR
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Deborah de Robertis, réinterprétant le cliché de Bettina Rheims. (photo DR)
Deborah de Robertis, réinterprétant le cliché de Bettina Rheims. (photo DR)

Paris : l’artiste Deborah De Robertis jugée pour s’être dénudée dans les musées

>Île-de-France & Oise>Paris>Paris V|Cécile Beaulieu|12 décembre 2016, 19h50 | MAJ : 13 décembre 2016, 19h30|0






 L’artiste et performeuse Deborah De Robertis comparait au tribunal ce mardi, pour exhibition sexuelle après une intervention nue lors d’une exposition de poupées Barbie au musée des Arts décoratifs.
Deborah De Robertis / Guillaume Belveze

Cécile Beaulieu 
Deborah De Robertis évoque des performances artistiques… Lorsque d’autres ne voient que des exhibitions sexuelles. Le débat aura lieu ce mardi, devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, où l’artiste franco-luxembourgeoise est appelée à répondre de deux « créations », des « réinterprétations d’œuvres existantes », réalisées au début du mois, et en mars dernier, dans des établissements culturels parisiens. Le 3 décembre, Deborah De Robertis était apparue partiellement dénudée et affublée d’un sexe postiche au Musée des arts décoratifs de la rue de Rivoli (Ier), à l’occasion d’une exposition consacrée à la poupée Barbie. Un peu plus tôt, elle s’était également fait remarquer, à la Maison européenne de la photographie (MEP), dans le IVe arrondissement, lors d’une exposition de photos de Bettina Rheims. La performeuse s’était mise en scène, les seins enduits de ketchup, devant un cliché de la comédienne Monica Bellucci versant de la sauce tomate sur une assiette de spaghettis. Pour cette création, peu appréciée de la direction de la MEP, la jeune femme avait dû passer quelques heures en garde à vue. Mais Deborah De Robertis n’en est pas à son coup d’essai. Au musée d’Orsay (VIIe), notamment, théâtre de plusieurs de ses incursions, l’artiste avait exposé son sexe devant l’Origine du Monde, de Courbet, en 2014, et, plus récemment, réinterprété le Déjeuner sur l’Herbe de Manet, nue sous un drap. Elle s’était également allongée, dévoilant son corps dévêtu devant l’Olympia de Manet. Dans une volonté d’« interroger l’art », la jeune femme filme généralement ses performances à l’aide d’une caméra GoPro.

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Rappel à la loi pour Déborah de Robertis, nue au musée d’Orsay


Olympia, Déborah de Robertis. (photo Déborah de Robertis et Rim Battal)
Olympia, Déborah de Robertis. (photo Déborah de Robertis et Rim Battal)

L’artiste luxembourgeoise arrêtée samedi pour exhibition sexuelle pour s’être allongée nue au musée d’Orsay à Paris, dans le cadre d’une performance artistique, a fait l’objet d’un rappel à la loi du parquet de Paris.

« Tout ça pour ça. On a voulu lui faire peur et l’intimider », a dénoncé son avocat, Me Tewfik Bouzenoune. Samedi après-midi, alors que le public profitait des derniers jours de l’exposition « Splendeurs et misères, Images de la prostitution 1850-1910 », l’artiste Déborah de Robertis s’est dénudée et allongée sous le tableau « L’Olympia » d’Edouard Manet, imitant ce chef d’œuvre.
« L’Olympia » représente au premier plan une jeune femme nue allongée sur un divan et au second plan une femme noire lui présentant un bouquet de fleurs. Peint en 1863, le tableau fit scandale à l’époque par sa représentation très prosaïque d’une prostituée.
Déborah de Robertis « portait une caméra portative pour pouvoir filmer la réaction du public. Il s’agit d’une performance artistique », avait indiqué son avocat. Une porte-parole du musée, qui a porté plainte, avait expliqué que la police avait été appelée et avait emmené l’artiste, placée en garde à vue.
Le rappel à la loi est une alternative aux poursuites qui permet au parquet de rappeler quelles sont les obligations légales et les risques encourus si elles ne sont pas respectées.

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L’Olympia, d’Édouard Manet. (photo AFP)
Déborah de Robertis n’en est pas à son coup d’essai. En mai 2014, toujours au musée d’Orsay, elle avait exposé son sexe devant « L’origine du monde » de Gustave Courbet, célébrissime tableau représentant un sexe de femme. Le musée avait là aussi porté plainte. Selon la source judiciaire, l’artiste avait déjà fait l’objet d’un rappel à la loi par un officier de police judiciaire.
Selon l’avocat de Déborah de Robertis, « il est urgent de réformer le texte réprimant l’exhibition sexuelle, pour ne pas confondre le geste d’un pervers sexuel et celui d’un artiste ».
Le Quotidien / AFP

La lettre de Déborah de Robertis au musée d’Orsay

Le site www.exponaute.com reproduit la lettre adressée par Déborah De Robertis à Guy Cogeval, président du musée d’Orsay :
« Monsieur le Directeur,
Mon droit de réponse.
Cela fait longtemps que je veux vous écrire mais la plainte que le musée d’Orsay a déposée contre moi aura réussi à faire naître en moi un sentiment d’inertie : comment songer vous demander une autorisation sachant que vous avez nié ouvertement tout geste politique dans ma performance devant L’Origine du monde de Courbet ? Je ne prendrai jamais le risque que vous m’interdisiez l’accès au musée, ce serait comme m’autocensurer.
En déposant plainte pour exhibition sexuelle le 29 mai 2014, vous avez envoyé un message radical : mon geste sous L’Origine du monde de Gustave Courbet ne sera pas reconnu comme étant un geste artistique de la part du musée d’Orsay. En posant cet acte de réduire ma mise en abîme du tableau de l’origine du monde à une vulgaire exhibition sexuelle, vous avez envoyé un message d’une grande violence aux artistes et militants qui comme moi utilisent leurs corps comme outil de réflexion pour faire bouger les modèles.
La plainte n’a pas été prise, mais les effets de cet acte ont eu un lourd impact dont il est important de révéler les mécanismes : vous avez influencé l’ensemble du débat public et m’avez mise en position de défense et dans l’obligation de répondre à des questions humiliantes qui ne feront jamais partie de mon travail. Porter plainte pour exhibition sexuelle c’est inventer une transgression qui n’existe pas. Porter plainte pour exhibition sexuelle c’est ramener des positions intellectuelles à une simple enveloppe physique. Porter plainte c’est me fermer la bouche, me censurer, me considérer en objet.
Splendeurs et misères de la prostitution touche à sa fin. Cette exposition ne peut pas être clôturée sans donner la parole à son modèle. Je ne peux pas vous laisser déplacer le tableau sans déplacer les modèles. Mon geste n’est pas de me mettre nue mais il consiste à renverser le point de vue du modèle nu : c’est une nuance fondamentale que je vous demande de reconnaître. Nous sommes en 2016 et l’Olympia n’est plus qu’un modèle nu qui regarde en face le spectateur, son regard est métallique, son regard est contemporain, c’est un œil-objectif qui enregistre le regard du spectateur, du garde, du directeur d’institution. Il suffit d’ouvrir les yeux pour reconnaître qu’aujourd’hui quelque chose a bougé dans le monde quant à la question de la nudité et je n’attendrai pas plus longtemps pour que ce déplacement soit fait dans l’art. C’est maintenant et non demain que l’Olympia est une femme autrice de son point de vue. Pour être claire : en 2016 c’est Olympia qui dispose de son propre copyright.
Au sujet de la propriété intellectuelle, il semble qu’il soit interdit de faire des images à l’intérieur de l’exposition. Cependant, pour que le modèle garde les traces de son point de vue, pour que le modèle bouge, il faut faire image : je vous demande donc de laisser cet acte prendre place. Porter plainte pour violation du règlement devant cette avancée nécessaire revient à porter plainte pour exhibitionnisme. Il nous a fallu attendre 2015 pour poser la question « Qui a peur des femmes photographes ? » [allusion à l’exposition du même nom actuellement visible au musée d’Orsay et à l’Orangerie, ndlr] et déjà le modèle s’empare de l’objectif.
« Qui a peur de l’objectif de l’Olympia ? ». Olympia ce sont toutes les putains accrochées aux cimaises de cette exposition. Je suis Olympia. En portant plainte pour exhibition sexuelle, vous avez nié publiquement le point de vue des modèles nus que vous exposez aujourd’hui en objets, en interdisant de filmer, vous empêchez ce point de vue d’exister.
C’est pour toutes ces raisons que je me dois de refaire un geste. Je souhaite vous offrir la possibilité de vaincre là où vous avez échoué en portant plainte pour exhibition sexuelle. En réincarnant le tableau, je n’expose pas ma nudité, j’expose la position d’un modèle nu qui s’est mis en mouvement pour refléter ce qui aujourd’hui a bougé dans le monde et doit bouger dans le regard et, avant toute chose, dans votre regard car cette perception nouvelle doit être prise en considération par votre institution pour que celle-ci devienne un modèle.
S’en remettre aux autorités pour qu’elles appliquent une loi inadaptée est un acte de censure et de lâcheté. Par là-même, vous vous désolidarisez des expositions que vous organisez et vous niez ce qu’elles appellent et mettent en mouvement dans le monde.
C’est pour cela que je ne vous demande pas d’autorisation, mais vous demande bien plus que cela. Je vous demande d’accepter mon geste en plein état d’urgence. Si l’urgence aujourd’hui n’est pas d’encourager les artistes et les militants qui œuvrent à faire bouger le monde, alors qu’est ce que l’urgence ? C’est parce que, aujourd’hui plus que jamais, l’art doit être encouragé que je vous demande, en ce 16 janvier 2016, symboliquement et réellement, de me laisser renverser ce point de vue en renversant vos procédures.
Moi l’Olympia, je suis venue vous demander de me prêter vos gardes pour qu’ils protègent ce point de vue encore invisible. Au lieu de m’en empêcher et d’appeler les autorités, je voudrais qu’ils gardent mon corps nu comme ils gardent la peinture de Manet. Moi l’Olympia, je porte aujourd’hui le bouquet. Acceptez-le comme la preuve de votre volonté d’accueillir ce regard que j’adresse. »

Deborah De Robertis, 16 janvier 2016.


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La performeuse Déborah de Robertis jugée pour exhibition sexuelle


Par @Culturebox

L'artiste franco-luxembourgeoise Déborah de Robertis était mardi devant le tribunal correctionnel de Paris pour deux apparitions partiellement dénudée dans des musées, suite à la plainte d'une visiteuse, posant la question régulièrement posée des limites régaliennes de l'exposition de la nudité lors d'une performance artistique.

Ketchup sur seins nus, pose lascive et toison pubienne factice

Le 27 mars, l'"artiste performeuse" de 32 ans s'était invitée au dernier jour d'une exposition consacrée à Bettina Rheims à la Maison européenne de la  photographie à Paris. Près d'un cliché de Monica Bellucci devant un plat de spaghettis, Déborah de Robertis, vêtue d'une longue veste de vinyle rouge ouverte, laissant apparaître ses seins, s'était renversé une bouteille de ketchup sur la poitrine.

Le 18 septembre, cette fois au dernier jour d'une exposition sur le thème de la poupée Barbie, perruque blonde sur la tête, l'artiste était arrivée dans une combinaison couleur chair, qui laissait à nouveau apparaître ses seins. En  haut de ses cuisses, elle arborait une abondante toison pubienne factice. L'artiste prenait, selon une visiteuse qui a porté plainte, "une pose  suggestive". Il y avait "peut-être des trucs philosophiques et féministes", mais que les enfants ne peuvent pas comprendre, en tout cas aux yeux des cette  femme "des trucs qui sont quand-même choquants" pour un jeune public.

Geste de vie

A la barre du tribunal correctionnel de Paris, Déborah de Robertis explique  qu'elle voulait "montrer le corps d'une vraie femme", là où "Barbie n'a pas de  tétons et pas de poils sur le sexe". Elle rappelle l'omniprésence de la nudité dans l'art. La déclarer coupable serait à ses yeux "se tromper d'objet" et "mettre sur le même plan un geste mortifère", l'exhibition sexuelle, et un  "geste de vie", sa performance.

L'artiste, qui s'attache à réinterpréter une œuvre, ne demande pas d'autorisation aux musées. Elle assure qu"'une partie du public en tout cas est enthousiaste". Le contexte est différent par rapport à une "exhibition sexuelle classique", admet la magistrate du parquet, pour qui il s'agit néanmoins d'une "vision imposée" au public. La représentante du ministère public requiert une amende de 2.000 euros.

Récidives

"Quid de l'intention?", réplique l'avocat de l'artiste, Tewfik Bouzenoune. Quand l'artiste montre sa poitrine, "ce n'est pas pour susciter du désir". Préférant au terme d'exhibition celui de "monstration", il fait valoir que celle-ci ne suffit pas à caractériser l'infraction. Et souligne que la rétrospective Bettina Rheims était accompagnée d'un avertissement au public. Plaidant la relaxe, il estime que cela n'a "rien à faire" devant un tribunal. Le jugement sera rendu le 1er février.

Comme l'avait noté la présidente, les deux performances au cœur du procès sont "parmi les plus chastes" de Déborah de Robertis. En janvier au Musée d'Orsay, elle s'était allongée dénudée sous le tableau "L'Olympia", imitant ce chef d'œuvre d'Edouard Manet qui représente une jeune femme nue sur un divan avec, au second plan, une femme noire lui présentant un bouquet de fleurs. Peint en 1863, le tableau fit scandale à l'époque par sa représentation très prosaïque d'une prostituée.

Déjà à Orsay, en 2014, elle s'était mise en scène devant "L'Origine du monde" de Gustave Courbet, célébrissime tableau représentant un sexe de femme, dans la même posture. A chaque fois, elle a fait l'objet d'un rappel à la loi.

Déborah de Robertis n'est pas la seule artiste à avoir récemment fait l'objet de poursuites pour exhibition sexuelle. En mai 2014, le Sud-Africain Steven Cohen, qui avait dansé le sexe enrubanné relié à un coq lors d'un spectacle sur le parvis du Trocadéro à Paris, a été déclaré coupable, mais  dispensé de peine.


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Exhibition sexuelle : l'artiste Déborah de Robertis relaxée


Par @Culturebox
Mis à jour le 01/02/2017 à 15H14, publié le 31/01/2017 à 13H56
 


L'artiste franco-luxembourgeoise Déborah de Robertis, poursuivie pour exhibition sexuelle après des "performances" dans deux musées où elle apparaissait en partie dénudée, a été relaxée mercredi, le tribunal estimant qu'il n'y avait "pas d'éléments suffisant pour caractériser l'exhibition".
La présidente du tribunal correctionnel de Paris a jugé, "qu'en l'état actuel des moeurs en France (...), le geste de l'artiste n'était pas constitutif d'une exhibition" et qu'il n'y avait "simplement pas d'éléments suffisant pour caractériser l'exhibition". L'artiste, qui s'est déclarée "satisfaite " de la décision, a accueilli le jugement avec un certain détachement, mâchouillant son chewing-gum.

"Une décision qui fait honneur à la justice"

Son avocat, Me Tewfik Bouzenoune, s'est réjoui de la relaxe de sa cliente. "C'est une super décision qui fait honneur à la justice sur la manière de juger les artistes". Il a par ailleurs estimé que le texte sanctionnant l'exhibition sexuelle était "imprécis". "Comment peut-on définir un 'état de nudité' ? C'est beaucoup trop vague", a-t-il dit.



Déborah de Robertis était apparue en partie dénudée lors de deux expositions : au Musée des arts décoratifs de Paris lors d'une exposition consacrée à la poupée Barbie et à la Maison européenne de la photographie. Le 18 septembre, l'artiste s'était rendue à l'exposition Barbie, perruque blonde sur la tête, dans une combinaison couleur chair qui laissait apparaître ses seins. En haut de ses cuisses, elle arborait une abondante toison pubienne factice.

Le caractère "imposé de la performance vis à vis d'un public non averti"

A la barre du tribunal, Déborah de Robertis avait expliqué vouloir "montrer le corps d'une vraie femme", là où "Barbie n'a pas de tétons et pas de poils sur le sexe". Elle a rappelé l'omniprésence de la nudité dans l'art. La déclarer coupable serait à ses yeux "se tromper d'objet" et "mettre sur le même plan un geste mortifère", l'exhibition sexuelle, et un "geste de vie", sa performance.

Si la magistrate du parquet avait admis la différence de contexte entre le geste de l'artiste et une exhibition sexuelle classique, elle avait également souligné le caractère "imposé" de la performance, vis-à-vis d'un public non averti. En 2014, l'artiste, avait déjà fait l'objet d'un rappel à la loi pour s'être mise en scène devant "L'Origine du monde" de Gustave Courbet, célèbre tableau représentant un sexe de femme, dans la même posture de jambes écartées.


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