Un Chien Andalou







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Un chien andalou
Après un court prologue nous montrant le réalisateur lui-même sectionnant avec un rasoir l'oeil d'une jeune femme, ce film truffé d'images obscures semble décrire les obstacles divers qu'un jeune homme rencontre pour rejoindre la femme (celle du prologue), objet de son désir. A un moment, il croise un double qu'il abat avec un revolver. La femme lui échappe finalement et se retrouve sur une plage avec un autre homme. La mer dépose sur la grève des objets ayant appartenu au premier homme et qu'ils rejettent à la mer. Un court épilogue, une image fixe, nous montre l'homme et la femme enterrés dans le sable jusqu'aux épaules.

Comment est né Un chien andalou ?

Buñuel en a raconté à plusieurs reprises la genèse. Dali et lui ont écrit le scénario en six jours. « Nous étions en telle symbiose qu'il n'y avait pas de discussion. Nous travaillions en accueillant les premières images qui nous venaient à l'esprit et nous rejetions systématiquement tout ce qui pouvait venir de la culture ou de l'éducation. Il fallait que ce soient des images qui
nous surprennent et qui soient acceptées par tous les deux sans discussion ».

Unique, ce court métrage de Buñuel tranche avec l'avant-garde d'alors, plus proche d'une inspiration plastique, et avec les oeuvres que Buñuel va réaliser. Même s'il est pertinent, dans une perspective auteuriste, de lire Un chien andalou au prisme thématique de cette oeuvre (la sexualité et ses perversions, une culture religieuse et un penchant pour le blasphème, l'humour, la dérision, le goût des insectes, l'importance de l'onirisme, la saveur de l'incongruité), il n'échappe à personne que les films suivants de Buñuel empruntent une ligne de plus en plus claire. Déjà, L'âge d'or (1930), sa deuxième oeuvre, accueillie avec plus de ferveur encore par le groupe surréaliste, repose sur un développement dramaturgique plus explicite.

Le poids du co-scénariste pèse sans aucun doute dans cette singularité. On trouve en effet une déclinaison des motifs propresà l'univers de Salvador Dali : l'âne pourri, le piano à queue (Guillaume Tell, 1930 ; Tête de mort atmosphérique sodomisant un piano à queue, 1934), associé au cercueil (Fontaine nécrophilique coulant d'un piano à queue, 1933), La dentellière de Vermeer, les fourmis (Le grand masturbateur, 1929).

On peut tenter de mesurer l'apport de l'un et de l'autre. Dans la première monographie consacrée au cinéaste (1962), Ado Kyrou, surréaliste - Dali était depuis longtemps brouillé avec le groupe -, s'y essaye : « Je suis persuadé que les buts de Buñuel et Dali différaient. Pour le premier, il s'agissait de cerner ce domaine incandescent où le rêve et la réalité se confondent en un magnifique geste de libération, pour le second il s'agissait d'épater le bourgeois. Entre Buñuel et le grand publiciste s'ouvre l'abîme de la sincérité ». Kyrou va même jusqu'à distinguer les séquences superficiellement surréalistes imaginées par Dali et les « réels cris de révolte » de Buñuel.

On aura une autre idée de cette opposition sous la plume de Dali. En 1954, le peintre rédige un projet de film. Il affirme alors combien Buñuel, travaillant seul depuis leurs premières expériences, lui rend « ainsi l'inestimable service de révéler au public à qui revenait le côté génial et à qui le côté primaire d'Un chien andalou ». Une séquence parmi d'autres de ce projet annoncé éclaire ses propres ambitions : « On pourra voir une scène représentant la fontaine Trevi à Rome. Des maisons de la place, les fenêtres s'ouvriront et six rhinocéros tomberont dans l'eau l'un après l'autre. À chaque chute de rhinocéros s'ouvrira un parapluie noir émergeant du fond de la fontaine ». À chacun d'apprécier la pertinence de ce partage des responsabilités. L'important demeure que ce film est le fruit de la rencontre entre deux imaginaires.


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