Full Service




Qui connaît Scotty Bowers ? A peu près personne et pourtant cet ancien pompiste sur Van Ness Avenue, non loin des studios Paramount à Los Angeles, commence à sérieusement faire parler de lui. 

A 88 ans, il publie ses mémoires (disponible chez Grove-Atlantic Press), Full Service : My Adventures in Hollywood and the Secret Sex Lives of the Stars. La distribution d’essence n’aurait sans doute pas eu de quoi nourrir un livre de plus de 250 pages, mais, en réalité, Bowers, joli garçon, plein de vigueur, a rapidement développé une activité parallèle de gigolo au service du gratin des stars du Hollywood des années 40-50. Il avait toujours refusé d’en parler jusqu’à aujourd’hui, estimant qu’il ne pouvait plus blesser personne, ses clients étant tous morts. C’est Walter Pidgeon qui le premier l’invite dans sa villa et rétribue une petite prestation sexuelle en compagnie de son amant Jacques Pott. Par la suite, Bowers se met à recevoir de fréquents coups de fil pour recommencer, les interlocuteurs étant successivement Cary Grant, George Cukor, Tennessee Williams, Spencer Tracy, Rock Hudson, Tyrone Power ou le photographe Cecil Beaton. Scotty Bowers n’a jamais été maquereaux, mais il a mis à contribution ses nombreux amis (ouvriers, militaires, chauffeurs de taxi…) dans ce qui est devenu un réseau prostitutionnel de relative ampleur pour jet-setters énervés. Il affirme ainsi avoir fourni jusqu’à 150 femmes au fil d’une fréquentation au long cours à l’insatiable Katharine Hepburn. Le musicien Cole Porter, marié mais amateur de temps en temps de jeunes marines, l’a embauché pour une partouze en costume à thème naval, et il aurait débarqué chez un Errol Flynn ivre mort avec plusieurs filles sans que l’acteur ne soit capable de réaliser une seule des prouesses sexuelles promises au téléphone. Brooks Barnes, du New York Times, s’est précipité à la rencontre de Bowers qui vit avec sa femme sur les hauteurs de Los Angeles, et l’article ne dépeint pas un mythomane en proie à un délire lubrique tardif. Bowers se décrit juste comme un jeune bisexuel qui a profité des opportunités qui se sont gentiment offertes à lui et dont il a tiré des ressources que sa profession de base n’était pas en mesure de lui apporter : «Quelle que soit la demande, j’avais ça en magasin. Je pouvais réaliser tous les fantasmes, peu importe le caractère extravagant ou détraqué du goût des gens, j’étais celui qui savait exactement comment les satisfaire. Hétéro, gay, ou bi, homme ou femme, jeune ou vieux, j’avais un truc pour tout le monde.» En réalité, les biographes des stars avaient eu recours à Scotty Bowers comme gorge profonde toujours en capacité à déglutir un secret bien caché par les studios et les proches. Gore Vidal a posté sur son blog un genre de certificat de validité, affirmant qu’il connaît l’animal depuis longtemps et est ravi qu’il ait décidé d’ouvrir sa boîte à souvenirs. La fille de Cary Grant, Jennifer Grant, en revanche, a refusé de commenter les révélations de Full Service avec d’autant plus de force que dans les mémoires qu’elle a écrits sur son père, elle réaffirmait qu’il avait toujours été hétéro. La vérité ne sort jamais de la bouche des enfants.

 DIDIER PÉRON

Commentaires

Articles les plus consultés