The Plot Against Harry/ Michael Roemer
Le cinéma de Michael Roemer, le réalisateur d’Harry Plotnick seul contre tous, connaît une carrière difficile à résumer. « Je suis légèrement décalé avec mon temps » dira le cinéaste indépendant au New-York Times en 2004. Il dépeint ici en quelque sorte les enclaves juives du Bronx, avec autant de précision que d’affection. Le film aurait pu rester dans les placards, car il n’a pas connu à l’époque de sortie commerciale. En 1989, pour ses enfants, il dépoussière son œuvre et leur présente sous forme de cassette. Finalement, l’accueil public et critique à l’époque sera excellent, tant son sens de la satire est ici prégnant. Son cinéma sera même considéré comme une avant-garde du travail de Jim Jarmush. C’est une façon de filmer sans fards et très directe. Dès les premiers plans de d’Harry Plotnik seul contre tous, Il existe une forme de bonté, comme naturelle et instinctive sur le visage d’Harry. Une grande lassitude aussi car il est quand même à peu près tout le temps contrarié. La mise en scène est centrée autour de ses mimiques, souvent discrètes, mais tellement explicites quand on les capte. Il exerce presque comme une forme de fascination à le regarder évoluer dans cet univers tourmenté. Car oui, Harry est toujours débordé. Toujours ce téléphone qui sonne en permanence, y compris dans les lieux les plus incongrus, il y a toujours un combiné, une sonnerie et quelqu’un qui veut lui parler. Son business au bord de la faillite, est pourtant d’une redoutable exigence. Et puis, il y a sa sœur, qui le dérange en pleine nuit avec une call-girl, il y a son cœur, deux fois trop gros lui dit le médecin, des fêtes, des défilés, des relations douteuses avec la pègre et l’entreprenariat local. Avec Harry, c’est sans arrêt.
On est au cœur d’une véritable « Jewish comedy » dans tous ses codes, qui enchaîne les clichés dans les débordements permanents d’une galerie de personnages tout aussi excessifs les un-e-s que les autres. A ce jeu-là, si on est en permanence sur le qui-vive, et que les rapides 1H19 permettent de ne jamais vraiment décrocher, le récit multiple et dense, la succession de saynètes, offrent une narration par moment décousue, un peu exigeante et qui nécessite une concentration de chaque instant. Tel est le cinéma de Roemer, y compris dans cette mise en scène haletante, sans jamais de temps mort. On est finalement assujettis au rythme d’Harry, qui multiplie les moments de bizarrerie et les déconvenues avec un flegme incomparable. Clairement, l’aspect cocasse des situations très new-yorkaises est typique et souvent irrésistible. Il faut juste s’accrocher et ne rien lâcher pour pleinement en profiter.
Le casting se résume évidemment à Martin Priest qui est un formidable et inoubliable Harry. Il fait passer tellement d’émotions avec presque rien, en n’en faisant jamais trop. C’est un jeu tout en subtilité, presque un partage de subconscient et une grande partie du film se regarde aussi grâce à cette chaude intimité que l’acteur crée avec le spectateur. Le cinéma de Roemer est autant méconnu qu’il mérite d’être découvert, ce qui est précisément le moment avec cette rétrospective American Trilogy du cinéaste, Nothing But a man (1964), Harry Plotnick seul contre tous (1990) et Vengeance is mine (1984). C’est maintenant ou jamais.
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