Robert Dehoux

Photo de Robert Dehoux

Principal meneur du groupe "Pouvoir ouvrier" lors de la grève générale qui, l'hiver 1960-1961, paralysa la Belgique pendant six semaines, Robert Dehoux impressionna beaucoup le jeune Guy Debord par ses talents de semeur de bordel. Mais Debord - dont l'humour n'était pas la qualité première - le prit bientôt en grippe, car il avait à ses yeux un défaut rédhibitoire: il pensait que fomenter la révolution et se fendre la gueule n'étaient pas des activités incompatibles. "C'est moins le bruit des bottes qu'il nous faut craindre aujourd'hui que le silence des pantoufles", écrivit-il.


 

On n'en finirait pas d'énumérer les plus craquantes et plus corrosives frasques de cet agitateur magnifique. Nous l'avons vu saboter un congrès catho en sautant sur le râble des curetons qui prétendaient y prendre la parole, et coller nuitamment sur les murs d'un quartier populaire des dizaines de fausses affiches officielles si bêtes et si scandaleuses qu'une émeute éclatait, à l'aube, dès que les gens les lisaient. Quant au restau rigolo qu'il tint pendant des lustres dans la banlieue de Bruxelles, l'Estro Armonico, les rupins y raquaient des additions démesurées tandis que les gredins fauchés y ripaillaient gratos.

Dehoux, qui fut aussi "anti-libraire", directeur de revue (Alternative) et plein d'autres choses encore, avait un dada: boucher les serrures fâcheuses (banques, casernes, institutions, bâtiments officiels...) en y introduisant des allumettes coupées en deux dans le sens de la longueur. Essayez, vous verrez que c'est d'une efficacité étonnante. Ses livres, de Teilhard est un con (1962) au tout dernier, Le zizi sous clôture inaugure la culture (paru à l'Age d'homme et dont il a lui-même tiré un court métrage épatant), sont, à l'inverse, de formidables déboucheurs d'idées.

En exergue d'Avida, le film de Benoît Delépine et Gustave Kervern où il tenait un rôle d'armoire parlante, Robert Dehoux proposait de faire "dérailler le train-train quotidien". C'est sous la soutane d'un prêtre mécréant qu'il tire sa révérence à la fin de Louise-Michel, des mêmes réalisateurs.

L'ultime gag de cet antimilitariste acharné a été de mourir le 11 novembre dernier, à 83 balais. Ses cendres ont été dispersées dans une forêt, au cours d'une très belle tempête de neige.

Jean-Pierre Bouyxou

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