Plan 9 from Outer Space Ed Wood (full movie)




                       



                             



Plan 9 From Outer Space


Titre original : Plan 9 From Outer Space

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Ed Wood

Année : 1958

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h19

Genre : SF cultissime

Acteurs principaux :Bela Lugosi, Tor Johnson, Tom Keene, Vampira, Gregory Walcott, Dudley Manlove





Que dire sur cette pièce cinématographique qui n'ait pas encore été dit, lu ou écrit ? Pas grand chose à mon avis, c'est pourquoi l'on se contentera de brièvement résumer l'œuvre maîtresse d'Ed Wood, et de citer quelques anecdotes afin de tout de même mettre l'eau à la bouche de celles et ceux qui n’ont encore jamais vu le film. On s'interrogera ensuite sur la notion de nanar, « Plan Nine From Outer Space » étant la base parfaite pour tisser une réflexion sur cette problématique aussi simple à énoncer que complexe à traiter : « pourquoi apprécions-nous les nanars » ?


Plus qu'un nom, une griffe.


D'abord le film : « Plan Nine From Outer Space », c'est du tout cuit. C'est un film mythique, le mètre étalon du nanar en quelque sorte. Dès sa sortie, Ed Wood a immédiatement été qualifié de « plus mauvais réalisateur du monde ».

Le film n'étant qu'une succession de scènes plus fauchées les unes que les autres, amalgamées sans grande cohérence, on y trouve tout ce que l'amateur éclairé de nanars recherche : des acteurs très mauvais, des effets spéciaux très cheaps même pour l'époque, un scénario des plus rocambolesques et des incohérences à tous les niveaux... L'histoire peut se résumer en quelques mots : des extraterrestres veulent envahir la Terre et ont pour cela recours au plan n° 9 : réveiller les morts afin qu'ils tuent eux mêmes les vivants.




Les extraterrestres sont arrivés, la foule est incrédule.



On a donc droit à des soucoupes volantes en carton, des scènes de poursuites hallucinantes où les plans successifs se déroulent aléatoirement la nuit et le jour, des retournements de situations téléphonés, et des bastons dignes de vieillards cacochymes.




Les Américains réagissent comme ils ont l’habitude de le faire face à quelque chose qu'il ne comprennent pas : en le bombardant.



Les extraterrestres ne sont ni plus ni moins que des hommes en pyjama collant parlant un très bon anglais, et l’intérieur de leur soucoupe ressemble à s'y méprendre à une pièce vide dans laquelle on aurait disposé un bureau et quelques oscilloscopes.


Le vaisseau amiral.


Le chef des aliens et ses sbires.


Des vaisseaux à la pointe de la technologie.



Pour la petite histoire, Bela Lugosi joue dans ce film. Cet acteur mythique interprétera ici son dernier rôle, au grand désespoir de Wood puisque la star décèdera avant la fin du tournage.




Bela Lugosi, qui n'hésite jamais à en faire un peu trop.



Ne pouvant décemment se priver d'un tel nom au générique, c'est tout naturellement que le réalisateur demandera au médecin de sa femme de remplacer Bela, en secret... Les deux hommes ne se ressemblent évidemment pas, ceci expliquant pourquoi dans certains plans le personnage tient son visage dissimulé derrière une cape, ne parle pas... et mesure 20 centimètres de plus.



Le vrai et sa doublure.



Bref, « Plan Nine From Outer Space » mérite d'être vu, à la fois pour son indiscutable densité nanarde et pour son statut d’œuvre culte dans l'histoire du cinéma. Nombre d'articles on été écrits à son sujet et l'on ne saura que trop conseiller de visionner le film que le grand Tim Burton a consacré au « plus mauvais réalisateur du monde ».

Venons en maintenant à la problématique centrale de cette chronique, que le film d'Ed Wood permet d’illustrer à merveille : pourquoi aimons-nous les nanars ?

D'abord, et il ne faut pas se leurrer, il y a un côté narcissique dans une telle passion. N’est-il pas agréable de se sentir quelque peu omniscient face aux œuvres que nous décortiquons ? En effet, dans un nanar, le spectateur maîtrise en quelque sorte la globalité du film. Il émet un avis critique sur le cadrage, la photo, la direction des acteurs, le scénario, les effets spéciaux et le reste.


Une direction d'acteur exemplaire.



Le spectateur ne se trouve pas perdu, dérouté comme il peut l'être face à un film de (disons) David Lynch, il ne laisse pas ses émotions en pâture à un réalisateur qui le mène par le bout du nez sans qu'il ait son mot à dire, comme peuvent le faire (toujours à titre d’exemples) les David Fincher et autres Darren Aronofsky. Cela ne veut pas dire que le nanar ne surprend pas, mais que, quand il surprend, c'est qu'il nous montre généralement une scène pire que celle que l'on attendait. Bref le nanar nous permet ainsi de nous sentir bon en cinéma en listant les scories que nous n'aurions pas commises.


Contrairement à ce que l'éclairage jour / nuit pourrait nous laisser croire, ces deux images sont censées faire partie de la même séquence.



Cela explique en partie pourquoi, si Ed Wood a été taxé de plus mauvais réalisateur du monde, son film est devenu culte : il est toujours bon, voir nécessaire, de s'évaluer par rapport à des gens plus mauvais que soi. Quel sentiment jouissif, en effet, de n'être qu'un simple spectateur, et pourtant de pouvoir déconstruire sans trop se mouiller le travail d'autrui. Certes, il convient cependant de garder à l’esprit que ce genre de sentiment facile a quelque chose d’un peu méprisable, et que si la critique est aisée, l’art est difficile


Un film présenté par le voyant Criswell, qui n'y va pas de main morte dans l'emphase.



Ce n'est heureusement pas tout, loin s'en faut. Je dirais même que ce sentiment est complètement secondaire. Je crois que dans le fond, ce qui nous fait aimer les nanars relève d'un autre sentiment, plus noble que le simple narcissisme. Je crois que, si l'on y regarde de plus près, il y a également de la tendresse et, quelque part, une certaine forme d’admiration. En effet, comment ne pas éprouver de sympathie pour ces gens qui s'évertuent à faire des films, envers et contre tout ? Je pense que de tous temps, une partie du public a connu une affection particulière pour ce qui ne rentrait pas dans les cases, pour les marginaux et les hors normes. C'est la fameuse problématique des comics américain : sont-ce les Super Héros où les Super Vilains qui engendrent l'admiration ? Que serait Batman sans la horde de méchants qui s'évertuent à le combattre ? Je pense qu'il en va de même dans le monde du cinéma : les « grands » auront toujours besoin des « petits » qui s'évertuent dans l’ombre à assouvir leur passion, ne serait-ce que pour se situer stylistiquement et qualitativement : comment, sans le très mauvais, juger le très bon ? Une tendresse donc, pour tout ce qui ne rentre pas dans les cases, tout ce qui interpelle ou dérange par ses défauts, ses manques, ses aberrations. Disons que les réalisateurs nanars et leurs œuvres sont en quelque sorte nos « freaks » à nous. Des créatures cinématographiques rejetées par l'ensemble de la société et qui pourtant ont des choses à dire. Comment dès lors ne pas éprouver un forme d'admiration pour ces losers magnifiques qui finalement auront toujours une leçon à nous donner ?




Tor Johnson, zombi un peu pataud.



Comment, de fait, ne pas admirer ces gens qui, quoi qu'on en dise, on eut le courage de vivre de leur passion ? Combien de personnes se retrouvent-elles coincées dans une situation, un métier qui ne leur plaît pas, alors qu'elles avaient des aspirations artistiques ou autres ? Combien d'adolescents ont-ils dû remiser leurs doux rêves au placard, car ils n'avaient pas la force de lutter contre un establishment castrateur qui leur commandait d'être réaliste ? Combien d'apprentis chanteurs, acteurs, peintres, danseurs, sportifs se sont-ils vu conseillés de trouver une « vraie » profession, avant de pratiquer leur passion ?


2-3 uniformes, un rideau de douche, deux bouts de carton pour faire les manches (non je ne parle pas des acteurs) et c'est parti pour la magie du cinéma.



Ed Wood a beau compter parmi les plus mauvais réalisateurs, au moins, quand on parle de lui on emploie le terme « réalisateur » et cela devrait servir de leçon à beaucoup qui le critiquent alors qu’ils n’ont finalement pas eu son courage. J'ai donc de l'admiration pour ces gens qui ont vécu leur rêve envers et contre tout (et même contre une absence totale de talent, ce qui est d'autant plus héroïque !)...


Les créatures de la nuit.



En conclusion, je dirais qu'à Nanarland, si nous nous moquons souvent, nous ne méprisons jamais les films que nous chroniquons. C'est le plus souvent un mélange de tendresse et d'admiration, mêlé à un poil de narcissisme, qui alimente notre soif de nanars. C'est beaucoup plus l'envie d'explorer les contrées les plus mystérieuses et méconnues du cinéma, de découvrir des œuvres positivement abracadabrantes et jouir de la différence salvatrice qu’elles nous apportent par rapport à la masse informe des produits ultra-formatés dont nous sommes inondés, qu’une méchanceté gratuite de sales gosses qui nous motive. Evidemment il s'agit de ne pas être binaire : des films comme « Independance Day » ou « Coyotes Girls » amusent aussi par leur pompière simplicité et la crédulité dont ils semblent nous croire emplis. Dans ce cas là, c'est effectivement plus un mépris plein d'amusement goguenard qui nous pousse à regarder ces machines à fric, qui à force de croire en leur marketing grossier, en deviennent complètement ridicules, et par là même totalement risibles.


Les gentils... Un peu dépassés au début mais ils vont vite reprendre les choses en main.



C'est sur ce point que l'on discernera aussi les navets des nanars : le navet n'attire aucune tendresse, c’est un produit sans aucune personnalité qui ne provoque que l'ennui et au sujet duquel on n’a guère de scrupules à être méchant. Alors qu'un nanar, ça se respecte, car même si ce n'est pas évident, dans notre logique un rien pervertie en termes de standards de goût, les nanars sont aussi, quelque part, de bons films (au bout d'un moment le froid brûle non ?).



La fin de l'attaque extraterrestre, terrassée à mains nues par le héros...


nanarland



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