. Casa Mollino
Architecte génial, esthète excentrique, photographe, pilote de course…, Carlo Mollino avait conçu cette demeure comme un temple secret. Les nouveaux maîtres des lieux, Fulvio Ferrari et son fils, Napoleone, l’ont transformée en musée vivant et nous en ouvrent les portes. Visite très particulière à Turin.
C’est une maison qui ne manque pas d’esprit. Il vole même entre les rideaux, se glisse sous les canapés, rampe sur les sols. À date fixe, les propriétaires, Fulvio Ferrari et son fils, Napoleone, usent des talents d’un médium pour l’activer davantage. Ils entrent alors en relation avec Carlo Mollino, concepteur du lieu, né en 1905 et mort en 1973. « Cette maison, Carlo Mollino ne l’a jamais habitée », précise Fulvio. Le designer, fou de vitesse, pilote de voiture de course et d’aéroplane au physique d’acteur et auteur compulsif de Polaroid de femmes nues, met huit ans (de 1960 à 1968) à la muer en cénotaphe.
À la manière des Égyptiens, dont la culture le fascine, il dispose avec soin tout ce dont il aurait besoin dans sa future vie de trépassé. Archives, livres, meubles, tableaux, tapis, tout est pensé dans les moindres détails. Plus qu’une maison, le lieu se veut liquide amniotique dans lequel le défunt est censé renaître. Voilà pourquoi les spécialistes de l’œuvre de Carlo Mollino ne trouveront rien qui puisse leur rappeler les travaux du maître. Rien des formes aérodynamiques ni des objets au design minimaliste. Entre tentures un peu éteintes et carrelage évoquant les puissants azulejos portugais, tout est surchargé, parfois même suranné…
Une maison est un parcours initiatique
Chimiste de formation et ancien chef d’entreprise, Fulvio est loin d’être un illuminé. Pourtant, il reconnaît s’être senti missionné dans son sauvetage en rachetant la maison en 1999 et en constatant que le mobilier avait été en partie volé ou détérioré. Il dit prendre conseil auprès du disparu… « Au dernier contact, Carlo m’a assuré qu’il se portait comme un charme, mais qu’il se reposait. Mon fils (Napoleone) est plus philosophe. Quand nous faisons visiter la maison sur rendez-vous, son discours diffère du mien. Je suis plus en phase avec l’au-delà… » À l’écouter, on saisit que chaque pièce, chaque objet est un symbole chargé de sens. « Les grandes vasques en coquille, qui montent la garde devant la fenêtre du salon, sont les maisons que des mollusques géants ont laissées sur terre après leur mort, comme Carlo Mollino laissa sa maison. » Le papier peint à motif forestier qui recouvre les murs est la continuation du bois qui s’étend face au bâtiment, derrière le fleuve. Tout ici se décode. La maison est une pierre de Rosette édifiée en étages, un rébus ésotérique, un parcours initiatique. Son style est un Styx qu’il faut franchir pour affronter des révélations surréalistes. Les objets sont des sujets, les plafonds murmurent dans le bruissement des portes tournantes. Un design écartelé entre désir et destin.
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