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JP Donleavy 1926 - 2017

L'écrivain de ce premier roman qui fut un best-seller publié d'abord à Paris est mort en Irlande où il vivait depuis près de cinquante ans. 


L’homme de Gingembre, publié en 1955, était son premier roman. A l’époque, comme le rappelle The Guardian, il était largement influencé par James Joyce, et son Ulysses. Dense et désopilant, le roman imagine les aventures amoureuses et alcoolisées de Sebastian Dangerfield et de son ami à travers Dublin. Cet ancien GI rejeté par sa famille et supposé étudier le droit à Trinity College passe en fait ses journées à rouler de café en café, brutalise sa femme et multiplie les aventures amoureuses. Selon The Irish TimesL’Homme de Gingembre s’est vendu à 50 millions d’exemplaires dans le monde en plus de vingt langues. Son auteur, James Patrick Donleavy a vécu quant à lui jusqu’à 91 ans, et il est mort le 11 septembre.
Né à Brooklyn le 23 avril 1926, James Patrick Donleavy était un fils d’immigrants irlandais plutôt aisés. Après avoir servi dans la marine américaine pendant la Seconde guerre mondiale, il arrive à Dublin en 1946 pour étudier la bactériologie à Trinity College. Mais comme son héros Sebastian, il abandonne vite ses études pour la peinture, avec une prédilection pour les nus féminins. Sa première nouvelle, A Party on saturday afternoon paraît en 1950 dans un petit magazine dublinois, Envoy, qui publiait aussi Samuel Beckett et Brendan Behan. Puis il s’installe à Londres et s’attelle à L’homme de Gingembre en 1951. Le manuscrit est d’abord refusé par plusieurs maisons anglaises et américaines. L’écrivain irlandais Brendan Behan suggère alors à Donleavy de s’adresser à un petit éditeur de langue anglaise basé à Paris, qui publiait déjà Beckett. Donleavy envoie donc son roman à Olympia Press, ignorant que c’était aussi une maison d’édition de titres érotiques. Olympia Press, créée par Maurice Girodias en 1953, sera aussi le premier éditeur de Lolita de Nabokov, interdit en 1956, ainsi que du Festin nu de Burroughs. Dans ses mémoires The History of The Ginger Man, Donleavy raconte sa rage quand il reçut l’exemplaire de son roman présenté comme pornographique. C’est le début d’un contentieux homérique avec Maurice Girodias. Les droits récupérés, L’Homme de Gingembre sera ensuite publié à Londres en 1956 dans une version expurgée puis aux Etats-Unis en 1958. Comme fait remarquer James Campbell dans The Guardian, Donleavy était quelqu’un avec qui il ne valait mieux pas s’embrouiller. Il avait fait de la boxe et ses mémoires rapportent de nombreuses bagarres de rue, desquelles il sortait à tous coups victorieux. 

«La vie de gentleman irlandais»

Donleavy a publié 13 livres, dont Un homme singulier (1963), La Sale Saison de Samuel S (nouvelles, 1966), Les Béatitudes bestiales de Balthazar B (1968), Mangeurs d’oignons (1971), Un conte de fées new-yorkais (1973), Le Destin de Darcy Dancer, Gentleman (1977)… Aucun n’a eu le succès de L’homme de gingembre, souvent réédité - dernièrement chez Gallimard en 2001. Sa méthode d’écriture était singulière: il écrivait sur des feuilles volantes, parfois seulement quelques mots, et les collait ensuite pour former un long ruban qui pouvait faire 10 mètres de long.  
En 1970, il achète une propriété à Levington Park, près de Mullingar, en Irlande. «Là, dans la maison de 20 pièces, relate ironiquement l’article du Irish Times,  il vivait la vie d’un gentleman irlandais, vêtu de tweed et parlant du trait mesuré de la gentry évanescente. Mick et Bianca Jagger étaient invitées et Billy Connolly envoyait des cartes de Noël.» The New Yorker était venu le visiter en son domaine, à Donleavyland, en juin 2015, soixante ans ans après la parution de l’Homme de gingembre. En 1967, Donleavy était devenu citoyen irlandais, moins par romantisme par rapport à ses racines que pour des raisons fiscales. Il le disait sans détours. S’il avait écrit un livre sur l’Irlande (A singular coutry, 1989), il ne s’intéressait pas plus que ça au pays où L’Homme de Gingembre avait été interdit pendant vingt ans. Il disait, raconte James Campbell du Guardian«Je lis le Daily Telegraphet je pourrais tout aussi bien vivre à Tombouctou vu le nombre de fois où je passe les portes de chez moi.»
Si Donleavy a eu le dernier mot judiciaire contre Olympia Press, Maurice Girodias eut lui le mot littéraire: «Vous vous étonnez peut-être que Donleavy n’ait jamais été l’écrivain prometteur auquel tout le monde s’attendait après The Ginger Man. La raison est simple. Il a passé sa vie en procédures contre moi.» Le conflit a duré vingt et un ans, au terme de quoi, selon The Irish Times, l’écrivain victorieux racheta Olympia Press. 
Frédérique Roussel

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