Le Quartier Rouge des années 1980
Tous deux sont partis de New York pour s'installer aux Pays-Bas en 1979, où ils ont commencé à vendre leurs Polaroid moyennant six florins. Cette activité leur a permis de capturer tous les visages et endroits différents qui constituaient la vie nocturne d'Amsterdam à l'époque – des bars mal famés du Quartier Rouge aux cafés turcs, en passant par le club travesti de Madame Arthur et le bar Whisky-A-Gogo situé près de la place Leidseplein. Leurs photos offrent un aperçu unique d'une époque où les moustaches étaient fournies, où le sexe était omniprésent et où des mecs bourrés exhibaient régulièrement leurs parties génitales dans des lieux publics. J'ai discuté avec Marc H. Miller, moitié du duo de photographes, afin d'en apprendre davantage sur son travail.
Comment avez-vous eu l'idée de vendre des Polaroid dans des bars ?
Marc H. Miller : Bettie et moi venions tout juste d'arriver en Hollande et nous avions cruellement besoin d'argent. À New York, nous avons croisé un type qui vendait des Polaroids aux gens sur la plage de Coney Island. On a essayé de faire la même chose dans la ville côtière de Zandvoort, mais c'était assez crevant de marcher dans le sable toute la journée. Et puis il y avait des tensions en raison des femmes qui bronzaient seins nus. Quelque temps plus tard, on a eu l'idée de faire ça dans des boîtes de nuit et des bars, et ça a très bien marché.
Vous alliez à certains endroits en particulier, ou vous vous contentiez de vous traîner de bar en bar ?
On avançait juste de bar en bar. Un soir, on allait dans le Quartier Rouge, et le lendemain dans le quartier du Leidseplein ou du Rembrandtplein. Bettie et moi nous relayions, et on prenait souvent une cinquantaine de clichés par soirée. Après un certain temps, on a mis au point des petits parcours. Le Quartier Rouge était le plus intéressant, et aussi le plus lucratif. Mais il y avait aussi pas mal de petites sous-cultures, comme celle des cafés turcs.
Il y a quelques photos de gens nus dans votre collection. Est-ce que la vie nocturne d'Amsterdam était aussi folle que ça à l'époque ?
Il y avait ce bar, appelé le Café de Zon. Ce serait sûrement exagéré de dire qu'il s'agissait d'un bar pour exhibitionnistes, mais disons que certains habitués aimaient bien retirer leurs fringues. Mais arriver dans un lieu où les gens ont bu avec un appareil photo, ça peut favoriser un certain exhibitionnisme. Ils étaient au centre de l'attention pendant un petit instant, et ce qu'ils faisaient de ce moment était totalement dépendant de leur personnalité. Certains y voyaient l'occasion de baisser leur pantalon ou de montrer leurs seins. Mais l'alcool avait sûrement un rôle à jouer là-dedans aussi.
Vous n'avez jamais eu d'emmerdes ?
On n'a jamais vraiment eu d'accident, mais c'était une sacrée aventure. Heureusement, Bettie est très douée avec les gens, et c'était vraiment important qu'elle le soit —en particulier quand il fallait récupérer l'argent. Parfois, c'était ça la partie la plus dure du boulot – avoir affaire à des gens bourrés et les faire payer.
Au départ, on ne faisait que vendre les portraits. La raison pour laquelle cette collection existe aujourd'hui, c'est parce qu'on est allés voir l'entreprise Polaroid, et qu'on leur a dit « Hey, on a les moyens de faire une bonne expo, si vous nous offrez des pellicules. » Polaroid nous a donné 500 films au final. La plupart de ces photos sont des doublons : on prenait deux photos, on en vendait une, et on gardait l'autre pour nos archives personnelles.
À un moment, on nous a aussi accordé une petite subvention, afin qu'on puisse également enregistrer une vidéo du projet. Puis on a exposé à Amsterdam, et ensuite à New York.
Vos photos ont été bien reçues ?
L'expo à Amsterdam s'est faite dans une petite galerie, mais on a eu un article publié dans le magazine allemand Nieuwe Revu, avec six pages recouvertes de nos photos. Après la parution de cet article, les gens nous suivaient littéralement dans la rue. Bettie et moi sommes rentrés à New York en 1981, et l'article est sorti à peu près un mois avant notre départ. On a pris autant de photos qu'on a pu durant ces dernières semaines, prenant jusqu'à 150 clichés par soir, et les gens nous suivaient de bar en bar — c'était plutôt marrant.
Mais on a aussi eu quelques retours négatifs à cause de l'article, comme de la part de ce mec que la femme avait quitté en raison d'une photo qu'on avait prise.
Est-ce que tu considères que tes photos représentent avec fidélité le Amsterdam de l'époque ?
J'ai l'impression qu'on a vraiment capturé l'esprit de cette période. On a vraiment fait plein de bars différents, et les images sont entièrement authentiques. Ces gens-là voulaient être pris en photo et pouvaient poser comme bon leur semble — tout ce qu'on faisait, c'était presser un bouton. Enfin, nous étions de plutôt bons photographes, donc la qualité était meilleure que ce qu'ils auraient pu attendre d'autres personnes. Mais je pense qu'il s'agit de documents uniques de cette portion de l'histoire d'Amsterdam.
Retrouvez Marc H. Miller sur son site, 98bowery.com
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