Erik Jan HANUSSEN, LE MAGICIEN D’HITLER
Né à Vienne (Autriche) le 2 Juin 1889, fils de comédien, Erik Jan Hanussen aurait été tout d’abord trapéziste, garçon d’écurie, dompteur de lions et chanteur. D’autres sources indiquent qu’il fut avaleur de sabres dans un cirque ambulant, puis il aurait ouvert à Prague un cabinet d’astrologie qui lui aurait valu quelques ennuis avec la justice. On vit brièvement son spectacle à Paris, au music-hall "L’Empire", avenue de Wagram. Il débuta le 28 octobre 1932, engagé jusqu’au 10 du mois suivant. Mais son contrat fut résilié le 31 octobre à la suite de manifestations hostiles du public en raison de la brutalité avec laquelle il traitait les spectateurs participant à son numéro de "cumberlandisme". Relevons que certains auteurs le disent de plus en plus nerveux à cette période qui précédait de quelques mois sa fin tragique. Le Journal de la Prestidigitation avait annoncé la venue du "plus célèbre des liseurs de pensée" (n°68 Novembre 1932).
Voici son histoire. A l’arrivée au pouvoir des nazis, Hanussen est tête d’affiche à la Scala de Berlin où il présente durant deux saisons successives, à bureaux fermés, un spectacle de 1 h 30 en seconde partie. Son cachet est fabuleux pour l’époque et les places se vendent au marché noir. Son numéro le plus spectaculaire consiste à demander aux spectateurs d’écrire une date sur une carte de visite, puis de mettre celle-ci dans une enveloppe qu’ils cachètent. Lorsqu’un spectateur remet son enveloppe au voyant, celui-ci, sans l’ouvrir et les yeux bandés, la place sur son front. Il devine alors la date et décrit les événements qui s’y sont déroulés (rappelons que David Devant présenta, avec sa soeur, un effet similaire, au Saint George’s Hall de Londres, en 1909, sous le nom de "Translucidité". A l’issue de son show Hanussen rejoint sa luxueuse voiture, une Mercedes-Benz, conduite par son secrétaire (d’origine libanaise) Ismet Dzino. Il rejoint alors son hôtel particulier de la Lietzenburgerstrasse, dans le quartier de la Kurtfurstendamm Allée (qui correspond aux Champs-Elysées à Paris). C’est là qu’il donne à prix d’or des consultations à une clientèle huppée où se trouvent nombre de dirigeants du parti National Socialiste.
Hanussen édite parallèlement plusieurs journaux dont "Die Hanussen Zeitung" (tiré à 200.000 exemplaires) et "Die Andere Welt" ("L’autre Monde"),où l’occultisme et l’enseignement ésotérique sont mêlés à la propagande pour le parti au pouvoir.
Le gourou a été présenté au Führer par l’écrivain Han-Einz Ewers, un des rares intellectuels dont le dictateur supporte la présence. L’influence prise rapidement par Hanussen sur le chef d’état provoque à son égard l’animosité de Rudolf Hess et de Heydrich, et même la haine de Goebbels. Celui-ci déclenche une enquête par la police du parti. Les choses sont facilitées par l’ancien secrétaire d’Hanussen, qui a été congédié, et vend aux autorités un dossier révélant les condamnations antérieures du "mage" pour chantage, escroquerie et détournement de mineurs. Plus dangereux, on y révèle son véritable état-civil. Herschel Steinschneider, ne laissant que peu de doute sur ses origines israélites. Par l’intermédiaire du quotidien "Berlin am Morgen" ("Berlin au matin") et d’une autobiographie "Ma ligne de vie", le magicien essaye d’aryaniser sa généalogie, avant avoir été baptisé dans un temple protestant de Prague et apportant des preuves de ses qualités philanthropiques.
Le Fürher feint d’ignorer les ragots qui atteignent Hanussen, mais le reçoit moins fréquemment. Celui-ci, nerveux, est moins bon dans ses prestations scéniques (d’où peut-être la rupture de contrat à Paris). Il essaye, le plus discrètement possible, d’exporter sa fortune dans des banques étrangères. Un soir à minuit dans son Palais de l’Occultisme, devant le tout Berlin, Hanussen annonce la destruction très prochaine par le feu d’un grand bâtiment de Berlin. Cette précision causera sans doute sa perte, prouvant qu’il en savait trop sur les projets d’Hitler. Le Reichstag prend feu. Le mage est arrêté alors qu’il essaye de quitter l’Allemagne. Le 8 Avril 1933, le quotidien du parti national-socialiste "Vôlkisches Beo-bachter" annonce que le cadavre d’un inconnu à demi dévoré par les loups et les oiseaux de proie a été découvert en banlieue de la capitale. 48 heures après le même journal précise que le corps est très certainement celui d’Hanussen qui, cela ne fait aucun doute, s’est "suicidé". Hitler va le remplacer par l’astrologue suisse Karl Krafft. Le sort de ce dernier ne sera pas plus enviable que celui de son prédécesseur. Enlevé par un commando S.S. , il sera interné dans le camp d’extermination de Buchenwald où il disparaîtra sans qu’on retrouve trace de lui.
Deux films furent consacrés au personnage romanesque d’Hanussen (1955 et 1988).
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